En Tunisie, l’annonce de la date de la présidentielle rassure
L’annonce a tardé, mais elle est venue ce mardi soir : l’élection présidentielle tunisienne se tiendra le 6 octobre 2024. Si les principaux partis politiques n’ont pas encore commenté cette décision, les électeurs y voient plutôt une bonne nouvelle sur le respect des règles démocratiques et attendent maintenant de savoir si Kaïs Saïed sera candidat.
L’Instance supérieure indépendante des élections (Isie) l’avait annoncé : le dernier délai pour appeler les citoyens aux urnes pour la présidentielle serait le 25 juillet. Cette annonce permettait de donner un cadre et un horizon à ceux, nombreux, qui commençaient à s’impatienter et à s’interroger sur les raisons qui empêchaient la promulgation de la date du scrutin. Et en arrivaient, pour certains, à se demander ce que cette absence de communication pouvait cacher.
C’était, en fait, bien mal connaître le président Kaïs Saïed, qui est d’abord un juriste et qui a, à plusieurs occasions, montré son attachement au respect des procédures. Sans vraiment tenir compte de l’indication donnée par l’Isie, il s’est contenté de promulguer, dans les délais impartis par la constitution de 2022, le décret appelant les Tunisiens à voter. La date est maintenant connue, ce sera le 6 octobre 2024. Cette annonce ne s’est accompagnée d’aucun commentaire, et d’ailleurs, elle n’en appelle pas. Reste désormais à préciser les différentes étapes du programme électoral, ce que l’instance compte faire ce 4 juillet.
Quels seront les candidats ?
Une sorte de soulagement a suivi l’annonce publiée sur la page de la présidence tunisienne en fin de soirée. Mais il n’était pas d’ordre politique ou partisan. « Nous tenons à ces élections qui vont clore l’arche de l’ancien système politique », commente ainsi un jeune du Bardo, qui aura 18 ans en septembre et entend bien exercer son droit de vote. Mais pour le moment, beaucoup estiment que cette annonce va permettre d’en finir avec les pressions et les questions sur la tenue de ce scrutin. « Rendez-vous est pris », résume donc Leïla, une enseignante de français qui surveille les épreuves orales du baccalauréat.
Reste à savoir qui sera, justement, à ce rendez-vous. Il faut d’abord relever que jusqu’à présent, le président Saïed n’a toujours pas fait part de son intention d’être candidat à sa propre succession. Pour certains, il ne peut en être autrement pour « finir de mettre en place ce qu’il a commencé », tandis que d’autres rappellent que le chef de l’État a parfois évoqué sa succession, assurant qu’il ne céderait le flambeau qu’à « un patriote non corrompu ». Dans les faits, il n’y a aucune raison pour que Kaïs Saïed ne brigue pas un second mandat. Au contraire, cette étape pourrait être celle des réajustements qui permettrait de remettre le pays en ordre de marche.
Curieusement, certains considèrent aussi que ce scrutin ne pouvait mieux tomber. Un inconditionnel du président pense ainsi que le contexte international actuel assure la Tunisie d’élections sans ingérence. « L’Europe est prise dans sa reconfiguration et la désignation de ses nouveaux dirigeants, les États-Unis sont dans une course électorale à couteaux tirés et la France est à la veille d’un changement profond », liste cet étudiant en statistiques qui estime que la pression extérieure et les commentaires seront insignifiants au regard de ceux qui ont pu s’exercer lors de scrutins précédents. D’autres, comme le chroniqueur Riadh Jrad, opèrent un parallèle entre le choix du 6 octobre et la guerre de Kippour qui, selon lui, est un temps fort de l’histoire contemporaine arabe. Tandis qu’un internaute redimensionne l’actualité en soulignant qu’il s’agit d’abord d’élections tunisiennes et qu’il n’y a pas de symbolique au second degré dans le choix de la date annoncée, et encore moins à faire un parallèle avec une guerre.
Toutefois, qui dit élections, dit candidats, et les propositions paraissent clairsemées. Parmi les politiques qui auraient pu prétendre à participer à la course à Carthage, certains sont en prison, comme Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre (PDL) ou Issam Chebbi, secrétaire général d’Al Joumhouri, tandis qu’il semblerait que Lotfi Mraihi, secrétaire général de l’Union populaire républicaine (UPR) fasse l’objet d’un mandat d’amener depuis quelques jours.
Trop tôt pour établir des pronostics
D’autres sont bien sûr sur les rangs comme Mondher Zenaidi, ancien ministre de l’ancien régime qui vit en France et dévoile ses intentions depuis quelques mois, Nizar Chaari, homme de médias et président du mouvement New Carthage, ou Olfa Hamdi, présidente du parti la Troisième République, qui n’aura, cependant, pas les 40 ans requis pour un dépôt de candidature. D’autres, comme la comédienne Najwa Miled, se joindront certainement à eux, mais reste à savoir s’ils auront les moyens humains et financiers de mener campagne dans un contexte où le président sortant est toujours populaire. Même s’il n’est pas assuré de recueillir, comme en 2019, un plébiscite avec 72 % des voix.
Plus de douze heures après l’annonce officielle, qui était très attendue, aucun commentaire politique n’a été fait par les partis, y compris ceux qui soutiennent le président Saïed. En revanche, Bassam Maatar du réseau Atide souligne déjà la nécessité d’amender le code électoral en fonction de la constitution de 2022, qui a notamment introduit des modifications sur l’âge des candidats, leurs droits civiques et politiques, leur nationalité et les conditions de parrainage.
Pour certains observateurs, il est trop tôt pour prétendre analyser la situation et établir des pronostics, surtout que la publication de sondages est strictement interdite. Ils sont néanmoins certains que le décret qui invite les tunisiens aux urnes le 6 octobre va accélérer le mouvement. « On va alors comprendre qui est sérieux, qui a les moyens et qui est insignifiant et ne fait pas illusion », assure un ancien membre du réseau Mourakiboune qui semble être moins actif que lors des scrutins précédents. Ou du moins ne s’exprime plus vraiment sur le sujet.
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