À l’Africa Fashion Up, les talents africains font leur défilé
Créée par l’ancien top model Valérie Ka, cette grand-messe de la mode africaine s’est tenue à Paris à la fin de juin. Avec un double but : mettre en valeur les créations du continent et faire en sorte que les stylistes gagnent en autonomie.
Musée du Quai Branly, théâtre de verdure. Dans cet écrin végétal, loin des débats sur l’héritage colonial et sur les restitutions d’œuvres, qui agitent cet espace consacré aux arts et civilisations d’Afrique, d’Asie et d’Océanie, plusieurs centaines de personnes se sont donné rendez-vous pour célébrer la mode africaine.
Un coup de projecteur pour les jeunes stylistes marocains, sud-africains, mauritaniens et sénégalais venus présenter leurs collections en cette période de fashion week parisienne. « Aucun show de ce genre, consacré à la diversité, n’existait dans la capitale. On donne une visibilité à cette jeunesse à un moment stratégique pour la mode internationale », se félicite la brindille Valérie Ka, un ancien mannequin, qui a défilé pour les plus grands couturiers, de l’Ivoirien Alphadi aux Français Jean-Paul Gaultier, Yves-Saint-Laurent ou Christian Lacroix.
Balenciaga, Galeries Lafayette et HEC
S’il y a déjà eu, à Paris, une Black Fashion Week, à l’instigation d’Adama Paris, l’Africa Fashion Up est la première manifestation qui propose un accompagnement aux jeunes créateurs. Parmi les partenaires que Valérie Ka est parvenue à convaincre dès la première édition, en 2021, la griffe de luxe française Balenciaga, les Galeries Lafayette et HEC Paris.
Avec 32 pays organisateurs de fashion weeks sur le continent, le marché de la mode ne cesse de se développer en Afrique subsaharienne. Selon un rapport d’HEC, le secteur représentait 31 milliards de dollars en 2020, et la tendance est à la hausse. Pourtant, les retombées commerciales restent insuffisantes. Pour répondre aux problèmes que rencontrent les jeunes créateurs africains (difficultés à trouver une boutique, à valoriser leur marque…), HEC Paris proposera aux lauréats de suivre, pendant plusieurs mois, des masters class et de bénéficier d’un mentorat en marketing, gestion de marque, finance et droit.
« Avec ce genre de soutien, on vise à rendre les jeunes créateurs africains autonomes, prévient Valérie Ka. J’ai littéralement harcelé toutes ces entreprises pour qu’elles m’accompagnent dans ce projet, et elles ont fini par suivre. Elles ont elles aussi tout à y gagner. Les Galeries Lafayette, par exemple, sont implantées en Afrique, et ce type de partenariats leur permet de mieux connaître le marché local et de cibler un nouveau type de public », poursuit celle qui a créé la fondation Share Africa, qui lui permet de produire son défilé. « Je ne gagne pas d’argent avec cet événement, précise-t-elle. Toutes les personnes que vous voyez ici sont des bénévoles. Ceux-ci font partie des équipes techniques de Chanel », dit-elle en désignant un cameraman et un photographe en train de régler leur matériel.
Dans le public, Aïssa Maïga et Joey Starr
Dans le théâtre de verdure, Valérie Ka, prête au combat, met la main à la pâte. Moins de deux heures avant le défilé il faut numéroter les sièges, s’assurer que le sol est propre, régler la sono, valider le parcours des mannequins… Les jurés ont retenu huit lauréats qui présenteront leurs créations. « C’est à mon tour de transmettre à la nouvelle génération tout ce que l’on m’a appris », assure l’ex-top model, qui a lancé sa propre marque de vêtements – à son nom –, et qui a une vision d’ensemble du secteur.
Sur le podium, des fleurs immaculées habillent le bitume. Les premières silhouettes d’inspiration peules apparaissent, dans un mélange d’imprimés et de couleurs vives signé Kadiatou Diallo, de la marque mauritanienne Niuku. Puis, vient un défilé de bombers et de jupes en toile de jute, d’ensembles en velours aux motifs évoquant les tapis berbères. Des créations entre upcycling, streetwear chic et valorisation de la culture amazighe, qui ont valu au Marocain Mohamed Youss de remporter le Prix éco-responsable, à l’issue du show.
Entre les allées vertes et la scène principale, une chorégraphie de vêtements urbains réalisés à partir de fibres naturelles commence. C’est l’œuvre de la styliste sud-africaine Gugu Peteni, Prix du Jeune designer. Soudain, un ange aux allures de cow-boy surgit, en total look frangé, vêtu d’un veston-corset et d’un pantalon blanc. Une création signée du Sud-Africain Rich Mnisi, récompensé par le Prix Best of Africa.
Le défilé était aussi l’occasion pour sept autres stylistes, hors lauréats, de présenter leurs collections devant un public trié sur le volet, où l’on a pu reconnaître l’actrice Aïssa Maïga ou encore le rappeur Joey Starr. L’Ivoirien Ibrahim Fernandez ou le Ghanéen Kwaku Bediako, de la griffe Chocolate, pour ne citer qu’eux, profiteront pour la première fois, et pendant une semaine, d’un espace de vente aux Galeries Lafayette. « Une plateforme magnifique pour la mode africaine », se réjouit Valérie Ka.
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