Dans le Sahel, l’intégration au son du clairon
Réunis pour la première fois en sommet, les trois dirigeants du Mali, du Niger et du Burkina Faso ont créé, depuis Niamey, une confédération qui résonne comme un camouflet à une Cedeao qui espère toujours une réconciliation.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 8 juillet 2024 Lecture : 2 minutes.
« Trois petits tours et puis s’en vont », dit une comptine pour enfants. « Trois petits putschs et puis ne s’en vont pas », fredonnent Assimi Goïta, Abdourahamane Tiani et Ibrahim Traoré. Censément arrivés au pouvoir de façon temporaire et dans une logique de gestion presque exclusive de la crise sécuritaire sahélienne, le colonel, le général et le capitaine viennent d’utiliser l’intégration par l’Alliance des États du Sahel (AES) pour mettre durablement le point sur le « i » du mot « souveraineté ».
Une bouderie ancrée dans le long terme
« Temporaires » ? Les trois militaires s’inscrivent dans une démarche « irrévocable » vis-à-vis de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qu’ils boudent. Une bouderie ancrée dans le long terme, deux des trois chefs d’État ayant d’ailleurs explosé les contours de leur mandat transitoire. Quant à la gestion de la crise sécuritaire, elle semble de moins en moins exclusive. Toujours adeptes du treillis ostentatoire, les membres du trio esquissent désormais leurs missions respectives dans un cadre bien plus large que celui d’une guerre éclair contre le jihadisme.
Lancée en septembre dernier comme une organisation à vocation militaire, l’AES vient de décliner, ce 6 juillet 2024, des ambitions dans des secteurs qui semblent couvrir l’ensemble des domaines d’intervention d’un État : l’agriculture, l’eau, l’énergie, l’éducation, les transports et même la finance, avec la confirmation d’une prochaine banque d’investissement de l’organisation tripartite. Il ne manque à l’arsenal de mutualisation qu’une monnaie qui permettrait de rejeter aux orties le très symbolique franc CFA.
Voilà donc franchie, selon le communiqué final du sommet, une « étape supplémentaire vers une intégration plus poussée » entre des États membres qu’Ibrahim Traoré ne considère pas seulement comme des contrées « amies » ou « voisines », mais comme des « sœurs ».
Pied de nez au sommet d’Abuja
Comme pour rendre indénouable le tissage idéologique du quotidien des trois pays sahéliens, l’annonce d’une « confédération » de 72 millions d’habitants est apparue comme un message envoyé à la Cedeao, toujours sur un ton anti-occidental. Hasard heureux du calendrier ou chronogramme bien pensé ? Les Niaméens du jour lançaient leur nouvelle offensive néosouverainiste la veille d’un sommet, au Nigeria, du regroupement régional dont ils ont claqué la porte, une communauté jugée « factice » et « instrumentalisée ».
La Cedeao tente de souffler alternativement le chaud et le froid sur le Sahel, entre sanctions économiques largement intenables, menaces surréalistes d’interventions militaires et appels stériles au dialogue. Depuis Abuja, ce dimanche, le chef de la Commission de l’organisation sous-régionale, Omar Alieu Touray, a agité le chiffon rouge d’éventuelles conséquences concrètes de l’« isolement diplomatique et politique » sahélien, comme la symbolique exigence de futurs visas pour les ressortissants de l’AES. Des perspectives qui inquiètent mais que la Cedeao ne se résout toujours pas à concrétiser.
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