Mosty, la rappeuse ivoirienne en pleine « Ascension »
Ses samples de classiques ivoiriens revus à la sauce trap ont lancé sa carrière. Avec « Ascension », un deuxième EP à la croisée des genres afro-urbains, la rappeuse affûte son style et s’impose peu à peu dans le « game ».
Il semble loin le temps où l’écolière était la cible de railleries. Mosty, que l’on appelle alors Nolwen Kouadio (son nom à l’état civil), n’a que 10 ans lorsqu’elle débarque de sa Côte d’Ivoire natale, direction la Somme, un département du nord de la France à la population bien homogène. « On se moquait de mon accent, de mes cheveux courts, je ressentais un sentiment d’infériorité. Les rares personnes noires qui m’entouraient semblaient très intégrées, comparé à moi », se souvient-elle, un sourire en coin – signe qu’elle est aujourd’hui plus détachée.
Onze années plus tard, la voilà nettement plus sûre d’elle. Confortablement installée dans les locaux parisiens de la maison de disque digitale Believe, « très investie » dans son projet, elle a l’allure fière malgré son petit gabarit noyé dans un baggy, une casquette surplombant ses longues tresses rouge vif.
Avec le beatmaker Mr Behi
Son phrasé, Mosty en a fait un atout. « Je mélange le nouchi et le français dans mes sons. Pour moi, il est très important que l’on identifie d’emblée d’où je viens, de Côte d’Ivoire, car j’habite et je produis mes morceaux en France », glisse-t-elle. La jeune femme s’est d’abord fait un nom auprès du public ivoirien grâce à ses « dégammages », de courtes vidéos humoristiques bricolées dans sa chambre d’adolescente, où elle chantait la vie quotidienne ivoirienne sous forme de freestyles.
Ces séquences, devenues virales, retiennent l’attention du beatmaker Mr Behi, à qui l’on doit certains succès de Kiff No Beat et de Dj Arafat. « Il m’a vue et s’est dit : “La petite, là, elle gaspille son talent sur Insta. C’est un diamant brut qu’il faut tailler” », confie-t-elle, rieuse.
Pour la native de Port-Bouët – une commune d’Abidjan – et le producteur ivoirien né à Grenoble, en France, le concept est tout trouvé. Ensemble, ils samplent de grands classiques du répertoire ivoirien version trap-décalée, comme « Matiko », de Chantal Taïba, en référence au genre du même nom, popularisé dans les années 1990, ou encore « Zoblazo », clin d’œil au style créé par le chanteur Meiway. « Des hits que nos parents écoutaient », se réjouit cette fille de professeurs de droit. Ils ont été compilés dans « Aya de Didievi », un EP sorti en 2020 et dont le titre rend hommage au village de son père.
Aujourd’hui, fini les remixes. Si Mosty peut toujours compter sur Mr Behi à la production, elle écrit désormais ses propres textes. Elle fait d’abord ses preuves en tant que parolière et kickeuse avec son tube « Lékès », un morceau à la gloire de ces « sandales du pauvre », en plastique, devenues tendance à Abidjan.
Duo avec Lala &ce
Puis, en juin 2024, la rappeuse sort son deuxième EP, « Ascension » – titre qu’elle espère prémonitoire. « Je cherche encore mon style, reconnaît-elle. Ce nouvel EP est expérimental. Mais je ne veux pas oublier les codes de mon pays. » Sonorités amapiano, trap, R&B, et même un zeste de zouk… Elle se frotte à tous les styles et s’impose comme l’une des rares femmes de la scène urbaine ivoirienne actuelle.
Pas étonnant que la rappeuse franco-ivoirienne Lala &ce, particulièrement appréciée dans l’Hexagone, ait fait appel à cette jeune pousse du rap ivoire. « Lala est reconnue en France et, à chaque fois qu’elle vient à Abidjan, elle veut collaborer avec ses compatriotes ivoiriens. Quand elle est passée en Côte d’Ivoire, en 2021, elle a demandé qui était la rappeuse en vogue, et c’est tombé sur moi », raconte Mosty non sans fierté.
Dans le clip d’ « En tas », les deux femmes apparaissent telles des bikeuses, vêtues de blousons de cuir et de noir, encerclées de motards sur une plage. De quoi montrer qui occupe le terrain dans un game dominé par les hommes.
« Je suis loin des codes de la bad bitch qu’impose l’industrie », observe-t-elle. Si elle assume son look de « garçon manqué », elle refuse de céder à une lecture genrée de la scène actuelle. « En Côte d’Ivoire, on est tous influencés par Didi B et Suspect 95, les deux seuls leaders du rap ivoire aux styles bien distincts. Toute la jeunesse, filles et garçons compris, suit leur pas », poursuit Mosty, qui cite aussi les rappeuses Davinhor et Le Juiice parmi ses références.
Après avoir partagé la scène avec l’Angolaise Pongo, avec qui elle chantait « Goolo » à Lisbonne en 2023, la jeune femme s’est produite à la cérémonie d’ouverture du Marché des arts du spectacle d’Abidjan, le Masa, en avril 2024. À l’heure où de nombreux artistes ne jurent que par l’internationalisation de leur musique, la gamine de « Babi » espère avant tout continuer à conquérir les Ivoiriens avec un premier vrai concert à domicile, en attendant la sortie de son premier album long format.
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