Le World Economic Forum est-il raciste ?
Une enquête du quotidien américain « The Wall Street Journal » révèle que les comportements discriminatoires au sein des équipes qui organisent chaque année le Forum de Davos sont fréquents, notamment envers les Noirs.
La scène est éloquente, et c’est le Wall Street Journal qui en fait le récit dans une longue enquête publiée le 29 juin dernier et intitulée Behind Davos, Claims of a Toxic Workplace. Le quotidien économique américain raconte comment Tiffany Hart, une employée noire du World Economic Forum (WEF), qui organise chaque année le sommet de Davos, a été interrogée par un de ses responsables sur sa perruque, l’homme finissant par brandir des allumettes et par lui demander « s’il pouvait y mettre le feu ». À en croire le Wall Street Journal, les cas de discrimination sont nombreux au WEF.
Pas assez de « visibilité »
Réuni chaque année en Suisse, le WEF veut promouvoir la diversité, l’équité et l’inclusion, notamment grâce à des équipes dédiées. Mais le journal a recueilli de nombreux témoignages d’employés noirs qui, au sein même de ses équipes, se sont vu « exclus de l’événement […], s’entendant dire qu’ils n’étaient pas assez visibles pour les cadres supérieurs ou qu’ils devaient sourire davantage ».
« Qu’en est-il de notre engagement si la plupart des représentants que nous choisissons d’envoyer à notre événement le plus important sont de race blanche », a fini par demander Kimberly Bennett, une employée noire elle aussi dans une lettre envoyée aux ressources humaines – un courrier dans lequel elle faisait part des préoccupations de nombreux salariés qui n’avaient pas été inclus dans les quotas de personnel prévus pour assister au sommet de Davos. Elle dit n’avoir reçu aucune réponse, souligne le Wall Street Journal.
« Ces dernières années, deux directeurs ont prononcé le “N-word” devant des femmes noires qui travaillaient pour eux », continue le Wall Street Journal, reprenant cette expression passée dans le langage courant et qui fait référence au mot « nigger » dans un usage injurieux et raciste.
Un des proches du fondateur du World Economic Forum, l’octogénaire Klaus Schwab, a par ailleurs été licencié en 2018. Il s’agit de Jean-Loup Denereaz, qui avait été accusé de comportements déplacés à plusieurs reprises par des employés noirs. Une plainte pour harcèlement sexuel avait même été déposée contre lui. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase date de 2018 : cette année-là, Denereaz a lancé en quittant une réunion de son équipe : « Que pouvez-vous attendre d’un « N » ? »
« N-balls »
Et ce n’est pas tout, poursuit le Wall Street Journal, qui raconte qu’au Danemark, il existe une friandise recherchée, une guimauve enrobée de chocolat particulièrement appréciée de Margi Van Gogh, une responsable sud-africaine du WEF. Elle aime en partager avec des collègues. Elle leur explique volontiers que « ces bonbons sont appelés N- balls” au Danemark et qu’en Afrique du Sud, ils sont affublés d’un nom à consonance similaire. Une employée noire, qui a un jour eu droit à l’anecdote, a peu apprécié. Elle n’a pas manqué, selon des documents consultés par le WSJ, de faire part de son ressenti à Margi Van Gogh dans un message dans lequel elle écrit « qu’elle ne pensait pas que le mot avait été utilisé par malveillance, mais qu’il était traumatisant pour elle et pour d’autres Noirs ». Sans manquer de conclure qu’il est « communément admis que le seul usage correct de ce mot est de ne pas l’utiliser du tout ».
Le quotidien américain raconte que Margi Van Gogh « a pleuré sur sa culpabilité ancestrale et a demandé à l’employée noire de prendre en charge l’organisation d’une formation contre la discrimination pour son équipe ». Formation pour laquelle les RH ont vite répondu qu’il n’y avait pas de budget.
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