« L’écrivain » Abdourahamane Tiani dévoile son scénario pour le Niger
Alors qu’approche le premier anniversaire de sa prise de pouvoir, le président de la transition a présenté un livre-programme qui esquisse les axes stratégiques pour la refondation de l’État. Objectif : l’indépendance véritable.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 16 juillet 2024 Lecture : 3 minutes.
Réaliser qu’un événement historique s’est déroulé il y a douze mois, inspire presque immanquablement la réflexion suivante : « Un an déjà ? Comme le temps passe vite. » Sauf au Niger. Le coup d’État du 26 juillet dernier n’a pas encore célébré son premier anniversaire, que ces onze mois et trois semaines semblent avoir duré une éternité, tant des tensions difficilement « dénouables » ont été au rendez-vous : l’obstination de Mohamed Bazoum à ne pas solder son mandat, les menaces d’intervention militaire et les sanctions de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), la partie de chat perché de l’ambassadeur de France Sylvain Itté, celle de cache-cache des diplomates américains, ou encore le bras de fer avec le Bénin, sur fond d’hydrocarbures…
Rasséréné par le déploiement fulgurant de la chaleureuse Alliance des États du Sahel, le général Abdourahamane Tiani pourrait tout de même y voir une source d’ombre sur son culte de la personnalité. De 19 ans son benjamin, et général depuis si peu, Assimi Goïta est pourtant qualifié, par la presse internationale, de « grand frère des putschistes sahéliens ». Quant au « gamin » Ibrahim Traoré, son impétuosité toute sankariste fait de lui la graine de star du buddy movie sahélien. Alors le doyen nigérien tente de s’imposer par la plume…
Publication-programme
Le général Tiani a présenté, ce 14 juillet, un document qui se veut sa vision de la refondation de l’État. Influencés par une communication institutionnelle qui prend des allures de service de presse de maison d’édition, les médias africains en ligne évoquent la parution d’un « livre » ou d’un « ouvrage ». Intitulé Pour le Niger : Laabu Sanni no – Zancen kasa ne – en référence aux slogans patriotiques djerma et haoussa –, le corps du PDF libre d’accès ne comporte que 29 pages, ce qui découragerait tout étudiant à le qualifier de « mémoire ».
S’il s’agit davantage d’un fascicule que d’un ouvrage, il est certainement agréable à Tiani de classer son œuvre entre Le Petit Livre rouge de Mao Tse-Toung, et le Le Livre vert de Mouammar Kadhafi…
Souveraineté toute !
Comme ses homologues malien et burkinabè, le général entend manifestement rester au pouvoir au-delà d’une transition évaluée en mois. Il se devait donc de présenter solennellement un programme herculéen de « refondation de l’État ». Il y déroule quatre axes stratégiques, en vue d’un « pacte social et politique » de nature à conduire au « bonheur de tous les Nigériens » : le renforcement de la sécurité et de la cohésion sociale, la promotion de la bonne gouvernance, le développement des bases de production pour la souveraineté économique et l’accélération des réformes sociales.
Sans échapper à un jargon bon marché, le chef de l’État préconise une « réduction de la dépendance » à l’égard de l’extérieur, le développement de « chaînes de valeur » par la création des emplois, ou encore la mobilisation citoyenne de la jeunesse et des femmes. Il ajoute que des réformes institutionnelles seront nécessaires pour la gestion transparente des ressources, ainsi qu’une lutte sans relâche contre la corruption, dans l’espoir avoué d’un « respect des biens publics ».
Comme les autres putschistes, le Nigérien semble plaider pour… la fin des aventures anticonstitutionnelles dont il énumère, dans son « livre », les versions nigériennes : « un régime militaire, […] cinq putschs militaires, cinq transitions politiques dont quatre militaires, […] une désobéissance civile ». Comme si la légitimité de la solution choisie s’autodétruisait en même temps que celle-ci était déployée…
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