Au Kenya, William Ruto esquisse les prémices d’un « gouvernement élargi »
Le 19 juillet, le président kényan a nommé 11 ministres, censés former le cœur d’un nouveau gouvernement qui aura pour mission d’apaiser la contestation secouant le pays depuis plus d’un mois.
« J’ai commencé le processus de formation d’un nouveau gouvernement élargi pour m’aider à mener la transformation urgente et irréversible de notre pays », a déclaré William Ruto lors d’une conférence de presse, le 19 juillet. Le président kényan a nommé 11 ministres, censés former le cœur d’un « gouvernement élargi ». Celui-ci aura pour mission d’apaiser la contestation qui, depuis plus d’un mois, donne lieu à des manifestations meurtrières.
Six des ministres figuraient déjà dans le précédent gouvernement, dissous le 11 juillet. Les ministres l’Intérieur (Kithure Kindiki), de la Défense (Aden Barre Duale), de l’Environnement (Roselinda Soipan Tuiya) et du Développement urbain (Alice Wahome) ont été reconduits dans leurs fonctions, tandis que deux autres ont changé de postes (Davis Chirchir du ministère de l’Energie à celui des Routes, et Rebecca Miano du ministère du Commerce à celui de la Justice, une première pour une femme).
Les ministres doivent encore être approuvés par le Parlement. William Ruto, entouré du vice-président, Rigathi Gachagua, et du ministre des Affaires étrangères, Musalia Mudavadi, seul ministre à ne pas avoir été limogé le 11 juillet, a affirmé poursuivre les « consultations » pour compléter son équipe gouvernementale.
Des changements « cosmétiques »
La coalition d’opposition Azimio a d’ores et déjà annoncé qu’elle ne participerait pas à ce gouvernement, dénonçant dans un communiqué des changements « cosmétiques ». « Nous ne participerons pas, ni ne soutiendrons le gouvernement élargi d’unité nationale proposé par [la coalition présidentielle] Kenya Kwanza », a affirmé Azimio dans un communiqué le 19 juillet. « Tant que le régime de Kenya Kwanza restera en place, absolument rien ne changera. Un remaniement ou des changements de postes ne seront que cosmétiques ».
Le Kenya est secoué depuis le 13 juin par des manifestations, menées hors de tout cadre politique par des représentants de la « génération Z » (nés après 1997), contre un budget 2024-2025 qui prévoyait des hausses d’impôts. La contestation a viré au chaos le 18 juin, lorsque des manifestants ont brièvement pris d’assaut le Parlement. La police avait alors tiré à balles réelles. Depuis le début des manifestations, au moins 50 personnes ont été tuées, selon l’agence nationale de protection des droits humains (KNCHR).
Pris de court
« Il est peu probable que l’annonce du président Ruto, qui équivaut à la reconduction de plusieurs alliés politiques clés au sein de son gouvernement, apaise la colère« , a commenté Declan Galvin, analyste basé à Nairobi pour le cabinet de conseil Exigent Risk Advisory. « L’annonce d’aujourd’hui est plus susceptible de renforcer l’inquiétude selon laquelle il ne comprend pas les préoccupations du public », a-t-il estimé.
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Pris de court par l’ampleur des mobilisations, qui ont touché la capitale Nairobi mais aussi de nombreuses autres villes du pays, William Ruto avait annoncé le retrait du projet de loi le 26 juin, puis le limogeage de la quasi-totalité de son gouvernement.
Malgré l’annonce du retrait du projet de budget, des centaines de manifestants continuent de se rassembler à travers le pays pour demander le départ du président. L’ambassade américaine à Nairobi a publié, le 18 juillet, un communiqué enjoignant à « tous les acteurs – la police comme les manifestants – de rejeter la violence […], tenus responsables de leurs actes répréhensibles ».
Pression fiscale
Le projet de budget a catalysé un mécontentement latent contre le président Ruto. Élu en août 2022 sur une promesse de défense des plus modestes, il a ensuite accru la pression fiscale sur la population. Après le retrait du projet de budget, William Ruto a annoncé une hausse des emprunts – d’environ 169 milliards de shillings (1,2 milliard d’euros) – ainsi qu’une baisse des dépenses de l’ordre de 177 milliards de shillings.
La dette publique du Kenya, locomotive économique d’Afrique de l’Est, s’élève à environ 10 000 milliards de shillings (71 milliards d’euros), soit environ 70 % du PIB. Le budget 2024-25 prévoyait 4 000 milliards de shillings (29 milliards d’euros) de dépenses, un record, financé par des hausses de taxe sur le pain initialement, puis sur les carburants dans une seconde version.
(avec AFP)
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