« Les soldats violent, les commandants ferment les yeux », le rapport de HRW accuse

Dans son rapport publié jeudi, l’ONG Human Rights Watch dénonce l’impunité dans laquelle agissent les troupes congolaises des FARDC, accusées de crimes sexuels « endémiques » dans le pays. La hiérarchie militaire dément ces allégations.

Publié le 16 juillet 2009 Lecture : 3 minutes.

Le porte-parole des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) a jugé "dénué de tout fondement" un rapport de l’ONG Human rigths watch (HRW) accusant la hiérarchie militaire de couvrir ou d’être complice de crimes sexuels "endémiques" dans le pays.

"Ce rapport est dénué de tout fondement", a déclaré jeudi le colonel Léon-Richard Kasonga, selon qui les autorités militaires ne sont pas restées "muettes" et ont "décrété la tolérance zéro face aux actes repréhensibles".

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Dans son rapport intitulé "Les soldats violent, les commandants ferment les yeux", HRW accuse la hiérarchie des FARDC de couvrir des crimes sexuels "endémiques" dans le pays et regrette que "la responsabilité pénales des officiers supérieurs fasse rarement l’objet d’enquêtes de la part des procureurs militaires".

7.703 cas de violences sexuelles enregistrés par l’ONU en 2008

"Certains commandants ont déjà déféré quelques soldats devant la justice. Il y a en ce moment deux procès à Kavumu (Sud-Kivu) et à Walikale (Nord-kivu) dans lesquels comparaissent des militaires présumés auteurs de viols et tortures", a répondu le porte-parole des militaires.

"Si ces soldats comparaissent, c’est parce qu’ils ont été traduits en justice par leurs commandants. Comment ces commandants seraient-ils en train de fermer les yeux dans ce cas ?", s’est-il interrogé.

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Ces accusations ne sont qu’une façon pour cette ONG de "se faire (vendre)" a simplement réagi le ministre de la Défense, Charles Moando Nsimba.

Quelque 7.703 cas de violences sexuelles, souvent sur des femmes et des jeunes filles, ont été enregistrés par l’ONU en 2008 dans l’est du pays. Et depuis janvier dernier, les cas de viols dans les provinces du sud et nord Kivu "ont doublé ou triplé", selon HRW.

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Fortes d’environ 140.000 hommes, les FARDC sont fréquemment accusées de s’en prendre aux civils, surtout dans les zones de conflit où elles traquent depuis sept mois les rébellions ougandaise de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) dans le nord-est et rwandaise des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), dans l’est.

Cette armée est en général en butte à des retards de soldes, à l’indiscipline et à une logistique déficiente, selon des sources militaires occidentales concordantes.

Puissants et intouchables

Minova, 15 ans, battue par deux soldats près de Bitonga (Nord-Kivu) et violée par l’un d’eux témoigne. "Un des soldats m’a violée. Mes parents ont parlé à un commandant et il a dit que les soldats ne violaient pas et que je mentais", raconte la jeune fille, qui a pourtant identifié les deux hommes.". Témoignages de dizaines de victimes à l’appui, Human Rights Watch a dénoncé jeudi "l’impunité" des forces armées en République démocratique du Congo.

Certes, "le gouvernement congolais, l’ONU et d’autres ont fait beaucoup en matière d’aide aux victimes de violences sexuelles", note l’auteur du rapport, Juliane Kippenberg.

Le 7 juillet, l’état-major de l’armée a notamment assuré que les "vols, tortures, pillages" commis par ses soldats seront désormais punis selon "la rigueur de la loi". "Mais pour ce qui est de mettre fin au climat permissif qui engendre ces violences, leurs initiatives se sont avérées limitées", estime Mme Kippenberg.

Ainsi, seuls 27 soldats opérant au Kivu ont été condamnés en 2008 et aucun haut gradé.

"La responsabilité pénale des officiers supérieurs, et notamment leur responsabilité du commandement, fait rarement l’objet d’enquêtes de la part des procureurs militaires", dénonce encore HRW, regrettant que les commandants militaires restent des "personnages puissants et intouchables".

Pour la création d’une chambre mixte

"Les soldats qui sont venus chez moi étaient six. D’abord ils ont violé ma petite soeur de trois ans, puis deux d’entre eux m’ont violée pendant que les autres pillaient notre maison", raconte encore une adolescente de 15 ans du Sud-Kivu.

"Nous étions trois jeunes filles. Ils (les soldats) nous ont violées et nous ont traînées jusque dans leur camp pas loin. Je suis restée là durant un mois surveillée de manière permanente. (…) Il (l’un d’entre eux) me prenait à tout moment, lorsque cela lui plaisait, et avec beaucoup de violence", raconte une autre victime de 23 ans, qui a fini par tomber enceinte et a réussi à s’enfuir.

Afin de mettre un terme à cette situation, Human Rights Watch suggère la création d’une "chambre mixte" composée de juges et de procureurs congolais et internationaux, "qui aiderait à remédier aux faiblesses du système judiciaire national".

L’organisation appelle également à une réforme de l’armée et à l’amélioration des conditions de vie des soldats. Elle demande au conseil de sécurité de l’ONU à adopter des "mesures sévères" à l’encontre des coupables, notamment des interdictions de voyager.

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