Tunisie : le rappeur K2Rhym veut faire entendre sa voix à la présidentielle
L’artiste tunisien Karim Gharbi a annoncé sa candidature à l’élection présidentielle d’octobre dont l’issue semble verrouillée par le chef de l’État sortant, Kaïs Saïed. Anecdote ou événement ?
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 25 juillet 2024 Lecture : 2 minutes.
« Oooh la la la la », rappait, en 2018, l’artiste K2Rhym, avec le soutien du déhanché de Ronaldinho. Le Brésilien avait-il alors suffisamment transmis son fluide de dribbleur au Tunisien pour que celui-ci arrive à faire murmurer « Oooh la la la la » à Kaïs Saïed le 6 octobre prochain ? Karim Gharbi – le vrai nom de K2Rhym – vient en tout cas de jeter un pavé dans la marre en déclarant sa candidature au scrutin présidentiel.
Si l’annonce a suscité un buzz certain, les Tunisiens se souviennent que le rappeur avait déjà planté quelques jalons équivoques dans la sphère politicienne…
L’ex-gendre de Ben Ali sur le terrain depuis 2020
En 2019, K2Rhym avait épousé Nesrine, la troisième fille de l’ancien président Zine el Abidine Ben Ali, dont il est aujourd’hui séparé. Depuis 2020, la médiatisation de nombreuses actions de bienfaisance de l’artiste avait aussi conduit certains observateurs à supputer une ambition politique : prise en charge d’orphelins, distribution de moutons au moment de l’Aïd ou fourniture d’équipements sanitaires à l’hôpital de Kasserine. Karim Gharbi semblait avoir troqué sa panoplie sulfureuse de rappeur bling-bling pour des tenues plus sobres d’entrepreneur philanthrope.
Après avoir été signalée à l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), comme celles de 8 dizaines « candidables », la candidature de K2Rhym doit encore rassembler les parrainages de 10 députés de l’Assemblée des représentants du peuple, du Conseil national des régions et des districts, de 40 présidents des conseils des collectivités locales ou encore de 10 000 électeurs inscrits et répartis sur au moins 10 circonscriptions électorales législatives, avec un minimum de 500 électeurs par circonscription.
Représenter les voix bâillonnées ou donner une caution de pluralisme ?
Au moment où la politique tunisienne semble quelque peu verrouillée, le rappeur pense-t-il vraiment avoir une carte à jouer ? Le chef de l’État sortant est candidat à sa succession au palais de Carthage. Dans une vidéo diffusée il y a quelques jours, Kaïs Saïed a déclamé son ambition de « poursuivre le combat dans la bataille de libération nationale », conformément à un « appel sacré de la patrie » qui ne lui laisse « pas d’autre choix ».
De nombreuses figures de l’opposition qui pourraient peser sur le scrutin font l’objet de procédures judiciaires ou sont incarcérées, comme Rached Ghannouchi, Issam Chebbi, Lotfi Mraihi, Ghazi Chaouachi ou Abir Moussi. Alors que les accusations de « complot contre la sûreté de l’État » ou d’« apologie du terrorisme » semblent libérer, pour Saïed, la voie de sa réélection, une candidature de K2Rhym serait-elle de nature à représenter valablement les voix bâillonnées ou à avaliser, sans danger pour le président, un semblant de pluralisme ?
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