Morosité en Tunisie, tension en France : où aller ?
Triste période estivale pour les Français issus de l’immigration, écartelés qu’ils sont entre des pays d’origine en crise et un pays d’accueil qui les rejettent, comme le prouvent les résultats des dernière élections législatives.
Il fut un temps où je sautais d’une rive à l’autre de la Méditerranée, légère, heureuse de retrouver les miens en Tunisie, puis de repartir en France, mon pays d’adoption. D’un côté, ma terre natale qui demeurait malgré tout sereine, accueillante, ancrée dans sa tradition de vie et d’espoir. De l’autre, l’assurance de la bonne marche de la démocratie à la française, la tradition humaniste du pays des droits de humains et de la citoyenneté. C’était des années d’insouciance et de confiance. La possibilité de deux patries où il faisait bon vivre.
Condition d’immigrée arabo-africaine
Ce n’est plus le cas aujourd’hui, hélas ! Côté Sud, la révolution tunisienne est passée par là ; côté Nord, les dernières élections en France ont révélé une mentalité détestable et un racisme qui n’a pas fini de s’étendre et de s’exprimer. Car, avouons-le : en Tunisie, l’ambiance n’est plus ce qu’elle était. La vie est chère, l’insécurité persistante et le racket, un sport national malgré les mesures d’assainissement. La perte de la « valeur travail », la désespérance d’une jeunesse sans horizon, les départs massifs à l’étranger des compétences locales plombent le pays. C’est dire si j’ai le cœur lourd en observant mes proches qui ont la tête sous l’eau, mes amis intellectuels qui s’interrogent et ne trouvent pas de solution, mes neveux et nièces qui ne croient plus au miracle des révolutions ni à la nécessité de servir la nation.
En France, l’ambiance n’est pas à la joie et la tension est palpable, bien que de nature différente. D’abord et depuis quelques mois, il y a le traitement scandaleux de la cause palestinienne qui me reste en travers de la gorge ; une position partiale et une presse hexagonale aveugle au drame gazaoui, quand elle n’est pas carrément pro-israélienne. Ensuite, il y a la dissolution de l’Assemblée nationale et la place de première formation politique du Rassemblement national, parti d’extrême droite. Je suis édifiée suis ma condition d’immigrée arabo-africaine. Le pays qui m’a ouvert les bras, à qui j’ai donné des enfants et le meilleur de moi-même, se referme et rejette les étrangers dont je suis.
Alors, quelle solution ? Où aller ? « La terre de Dieu est vaste, disait mon père, et elle appartient à tous. » Mais mon père est mort et, avec lui, me semble-t-il, le sens de l’hospitalité à travers le monde. Parfois, je me dis que je pourrais partir en Asie, mais c’est trop loin et trop dépaysant. La Russie ou l’Ukraine ? Autant postuler pour entrer dans le chaudron de l’enfer. L’Afrique ? C’est un coup d’État par jour. Les pays du Golfe ? La mort plutôt que le voile obligatoire. Le reste de l’Europe occidentale ? Tous les mêmes.
J’ai pensé à la Laponie, figurez-vous. Sauf que je ne survivrai pas à la neige, moi qui me nourris de soleil et qui ne suis jamais montée dans le traîneau du Père Noël. Et la Patagonie ? Ça s’appelle le Grand Sud, non ? Les glaciers, les lagunes et autres archipels ont de quoi séduire. Mais, franchement, je ne me vois pas aimer les manchots ni guérir de ma Méditerranée ou trouver la paix ailleurs qu’à l’ombre d’un olivier millénaire.
Voilà dans quel état d’esprit je suis en cet été, période où, d’habitude, je m’amuse à vous raconter mes vacances à Hammamet. Les choses ont changé, disais-je, et je n’ai pas grand-chose de réjouissant à partager. Attendons l’année prochaine, inchallah !
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