An 1 du putsch nigérien : les règles de l’art néosouverainiste
Après les « régimes frères » du Mali et du Burkina Faso, la junte nigérienne vient d’inscrire son pouvoir dans la durée. Pour le premier anniversaire du coup d’État contre le président Mohamed Bazoum, le général Abdourahamane Tiani a déroulé ses souhaits d’inexorable « souveraineté pleine et entière ».
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 29 juillet 2024 Lecture : 2 minutes.
C’est en général avec le recul du temps que les nations fixent les « fêtes légales » destinées à rendre hommage aux actes héroïques du passé. Au Niger, c’est dès le douzième mois après le renversement du président Mohamed Bazoum que les putschistes ont jugé mémorable, à l’échelle de l’Histoire, leur propre coup d’État. Quatre jours avant son premier anniversaire sur le trône, le général de brigade Abdourahamane Tiani signait une ordonnance qui inscrivait la journée du 26 juillet dans la liste des fêtes légales nigériennes.
Il faudra donc désormais commémorer chaque année le retour des militaires au pouvoir. Pour enfoncer le clou du culte du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), des festivités pourraient même se diluer jusqu’au 3 août prochain, anniversaire de l’indépendance du Niger, 64e commémoration d’un événement dont les néosouverainistes nient pourtant l’importance, en matière d’indépendance réelle.
Paratonnerre néosouverainiste
Si Abdourahamane Tiani est le plus vieux des putschistes de la sous-région, son putsch est le plus récent de l’Alliance des États du Sahel (AES). La mise en parallèle des trois trajectoires nationales sahéliennes est aussi limpide que voulue, même si le parcours du Nigérien fait ressembler son accession au pouvoir à une révolution de palais à la gabonaise, mâtinée d’ambitions personnelles. Qu’importe ! La communion géographique autorise le déploiement d’un paratonnerre néosouverainiste commun…
C’est dans la soirée du 25 juillet que le général Tiani s’est adressé, sur la télévision publique, à un peuple dont il prétend que la majorité lui a inoculé le pouvoir, par une posologie guère moins étrange, selon lui, que des élections à l’occidentale. Comme au Mali et au Burkina actuels, comme dans de mémorables anciens régimes africains issus de coups d’État, la dialectique est implacable : à chaque critique chirurgicale sa réponse nationaliste évasive…
Bergers occidentaux et bergère nigérienne
Quid de la libération d’un Mohamed Bazoum sans exigence de retour au pouvoir ? Tiani dit refuser « la remise en selle imminente des régimes déchus » à la solde des « organisations interétatiques ».
Quid d’une situation sécuritaire qui rend pessimistes nombre d’experts ? L’officielle « montée en puissance » de l’armée nigérienne « sur le théâtre des opérations » expliquerait, après le coup de pied dans la fourmilière, la prolifération des fourmis djihadistes.
Quid des droits humains ? Les juntes interrogent l’universalité du concept occidental et invoquent, sans la nommer, la représentation pyramidale de la hiérarchie des besoins d’Abraham Maslow. Pourquoi s’attarder sur le besoin de liberté d’expression d’un Nigérien, quand un autre Nigérien ne voit pas garanti son droit prioritaire à la vie ? Imparable, sauf à considérer que c’est notamment la liberté de la presse – corollaire de la liberté d’expression – qui a le pouvoir de dénoncer – et donc de réduire – les abus autocratiques qui peuvent compromettre, eux aussi, le droit à la vie…
Il reste le front économique qui pourrait devenir le nœud gordien des juntes sahéliennes. Sur ce terrain, même en bisbilles actuelles avec Cotonou, Niamey compte sur son uranium et son pétrole. La récente baisse du prix du carburant à la pompe était un cadeau d’anniversaire dont personne ne se plaindra…
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