Sommet de l’UA : Kadhafi fait pression sur les leaders africains
Les chefs d’Etat africains se retrouvent à partir de mercredi à Syrte, en Libye, sous la présidence de Mouammar Kadhafi qui met la pression sur son projet controversé de « gouvernement africain » alors que le continent est confronté à des crises menaçant la stabilité de plusieurs pays.
Autoproclamé "roi des rois traditionnels d’Afrique", le "guide" libyen, au pouvoir depuis 40 ans, recevra ses pairs pour le 13e sommet de l’Union africaine (UA) en pouvant se targuer d’un nouveau titre : celui de doyen des chefs d’Etat africains, qui lui est revenu après la mort début juin du président gabonais Omar Bongo Ondimba.
Elu en février pour un an à la tête de l’UA, malgré la réticence manifeste de certains dirigeants, le colonel Kadhafi compte mettre à profit sa présidence pour forcer la voie à la concrétisation d’une "unité africaine" dont il a fait un objectif prioritaire. Quitte à bousculer, comme il en l’habitude, les plus réticents, parmi lesquels les pays d’Afrique australe -notamment l’Afrique du sud- et de l’Est.
"La mort aux ennemis de l’Afrique"
Dès leur arrivée à Syrte, la région natale du leader libyen où a été édifié à 500 km à l’est de Tripoli un centre de conférences ultramoderne planté entre la Méditerranée et le désert, les 53 délégations africaines sont mises en condition.
Les maximes du guide sont partout, placardées sur les avenues en arabe, anglais et français, des plus encourageantes ("L’Afrique c’est l’espoir", "L’Unité c’est la force") aux plus inquiétantes ("La mort aux ennemis de l’Afrique"). . .
Dimanche, lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UA précédant le sommet, M. Kadhafi a accru la pression pour créer une "Autorité" dotée de réels pouvoirs exécutifs, qui regrouperait les différentes instances de l’UA existantes (comme l’actuelle Commission ou le Conseil de paix et de sécurité).
"Celui qui dira non devra expliquer pourquoi"
"Maintenant, celui qui dira non devra expliquer pourquoi", a-t-il prévenu dans son discours de bienvenue, en proposant un recours au vote pour départager partisans et adversaires d’une intégration africaine accélérée.
"Si les deux-tiers sont d’accord, le tiers restant devra obtempérer et respecter la décision de la majorité", a-t-il lancé.
Selon plusieurs témoins, la rencontre s’est déroulée dans une ambiance tendue et a dû être interrompue avant de reprendre à huis clos.
Le président de la Commission de l’UA, Jean Ping, a fait connaître ses réticences à sa manière, en insistant devant les ministres sur l’urgence à résoudre d’autres dossiers avant de s’atteler à des projets plus ambitieux.
L’inquiétude de Jean Ping
Citant les crises politiques ou les coups d’Etat qui ont secoué ces derniers mois Madagascar, la Mauritanie, la Guinée Bissau, la Guinée ou le Niger, il a estimé que "la situation d’ensemble sur le continent demeure préoccupante" et regretté "la persistance du fléau des coups d’Etat ou de changements anticonstitutionnels".
M. Ping a déploré une "évolution politique régressive inquiétante" et souhaité "une réponse cohérente de la part des instances compétentes de l’UA", alors que le colonel Kadhafi a pris plusieurs fois récemment le contre-pied de positions de la Commission.
Durant leur rencontre de trois jours, les chefs d’Etat africains aborderont malgré tout des dossiers plus consensuels, comme celui du développement de l’agriculture, thème officiel du sommet.
M. Kadhafi a par ailleurs invité pour l’occasion le dirigeant italien Silvio Berlusconi, qui l’avait reçu à Rome à la mi-juin. Habitué des coups d’éclat, il pourrait avoir d’autres "invités surprise", indiquaient lundi des sources diplomatiques à Syrte sans plus de précision.
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