Libérée de l’embargo sur les armes, la Centrafrique parie sur une paix durable
Adoptée ce 30 juillet par le Conseil de sécurité de l’ONU et saluée à la fois par la société civile et par toute la classe politique centrafricaine, la levée de l’embargo sur les armes promet à Bangui un réel retour au calme sécuritaire.
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Sylvie BAÏPO-TEMON
Ministre des Affaires étrangères, de la Francophonie et des Centrafricains de l’étranger
Publié le 6 août 2024 Lecture : 4 minutes.
La République centrafricaine a effectué, le 30 juillet, un pas décisif sur le chemin d’une pacification durable de son territoire et de la restauration intégrale de l’autorité de l’État. Il s’agit d’un préalable indispensable pour faire face aux immenses chantiers de reconstruction de notre pays, théâtre de mouvements rebelles qui, depuis 2013, sapent la cohésion nationale et compromettent ainsi nos efforts titanesques pour répondre aux besoins urgents, prioritaires et légitimes de nos concitoyens.
Une décision salutaire
En effet, à l’unanimité de ses membres, le Conseil de sécurité des Nations unies (l’organe exécutif de l’Organisation des Nations unies) a décidé « […] de lever totalement l’embargo sur les armes imposé à la République centrafricaine, établi par la résolution 2127 (2013) telle que modifiée, et soulignant tout doute, que le gouvernement centrafricain ne fait plus l’objet d’aucun embargo sur les armes ».
Il n’est pas superflu de souligner que le chemin parcouru par la République centrafricaine pour parvenir à cette décision salutaire du Conseil de sécurité des Nations unies a été long, sinueux et loin d’être une sinécure. Comme je l’ai rappelé en d’autres circonstances, notre diplomatie, sous l’autorité du chef de l’État, Faustin Archange Touadéra, n’aura pas été économe de persévérance, d’habileté et d’engagements tenus pour parvenir à cet heureux dénouement.
En effet, nos avancées dans la réforme et le renforcement des dispositifs de sécurité, dans la gestion du matériel militaire qui échappait jusqu’alors au contrôle de la puissance publique le seront désormais. Aussi, nos efforts dans le processus de désarmement, de démobilisation, de réintégration de nos compatriotes ont été constatés. Au titre des mesures institutionnelles supplémentaires que nous avons prises, figure entre autres le Plan national de gestion des espaces frontaliers (PNGEF) que nous mettons en œuvre en partenariat avec la Mission intégrée multidimensionnelle de stabilisation des Nations unies en Centrafrique (Minusca).
Du pain bénit pour les réseaux criminels
Comme nous n’avons eu de cesse de le déplorer, le maintien de l’embargo sur les armes dans notre pays – tel que décidé par les résolutions 2127 (2013) et 2693 (2023) – était plutôt du pain bénit pour les réseaux criminels transnationaux, tant il a été de tout temps vérifié que les mesures d’interdiction, voire de prohibition, finissent parfois par aboutir à l’inverse de l’objectif initialement visé. En clair, les résolutions antérieures, comme nous l’avons toujours démontré, n’ont pas contribué à sécuriser notre pays autant que nous l’espérions. Loin s’en faut. Cette situation a plutôt conforté les positions des groupes armés qui, curieusement, ont continué à s’armer en dépit de la mise en œuvre de l’embargo décidé par l’ONU en 2013.
C’est forts de ce constat que dans le projet de résolution S/2024/576 du Conseil de Sécurité, outre la condamnation d’une économie parallèle et criminelle qui perdure et prive l’État central de ressources financières nécessaires à son fonctionnement optimal, ses membres se disent préoccupés « […] par les informations selon lesquelles les réseaux transnationaux de trafiquants continuent de financer et d’approvisionner les groupes armés et les personnes qui leur sont associées [et] qui opèrent en République centrafricaine, [relevant] l’emploi d’engins explosifs, notamment des engins explosifs improvisés et des mines terrestres, [lesquels] causent des victimes parmi les civils, ainsi que des destructions de biens civils, et continuent d’entraver l’accès de l’aide humanitaire […] ».
La résolution 2745 déplore dans le même temps la persistance, en dépit de l’embargo des « […] activités criminelles telles que le trafic d’armes, le commerce illicite, l’exploitation illégale et le trafic de ressources naturelles, notamment de l’or, des diamants et du bois d’œuvre [… ] ».
Les trafics d’armes ont continué comme dans les années antérieures à l’embargo de 2013, amplifiant des risques de déstabilisation dans les États voisins, notamment au Cameroun, au Tchad et en République démocratique du Congo. Cette prolifération ininterrompue d’armes n’était plus seulement une menace contre notre pays, mais un problème de sécurité internationale, car elle « a une incidence sur la sécurité de la région », comme s’en inquiète la nouvelle résolution.
Il faut par ailleurs se féliciter de l’approche globale de cette nouvelle résolution à même de juguler les menées déstabilisatrices contre le territoire de la République centrafricaine, dans la mesure où « […] tous les États membres prendront les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente ou le transfert, direct ou indirect, à partir de leur territoire ou par leurs ressortissants ou au moyen de navires battant leur pavillon ou d’aéronefs immatriculés chez eux […] ».
Enfin, la République centrafricaine, dans l’esprit de préservation de la sécurité collective, qui constitue l’un des piliers de son action diplomatique, ne ménagera, pour ce qui la concerne, aucun effort pour donner corps à la nouvelle donne consécutive à la résolution 2745. Une nouvelle ère, nous le croyons fermement, vient de s’ouvrir pour la pacification de notre pays.
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