Les paysans des Ruwenzori déboussolés: « le froid a disparu »

Lorsqu’il était jeune, Wasamu Maate contemplait les neiges éternelles de la chaîne des Ruwenzori. « Le froid a disparu » se lamente le vieillard, et le réchauffement climatique a grignoté le manteau neigeux du pic Marguerite, le troisième sommet d’Afrique à 5510 m.

Publié le 18 juin 2009 Lecture : 2 minutes.

"Nous nous servions de la neige et de la glace comme de notre guide", explique-t-il assis au bord de la route dans son village de Bundibugyo, situé au pied des Ruwenzori, une chaîne montagneuse d’environ 100 km de long à la frontière entre l’Ouganda et la République démocratique du Congo (RDC).

"Nous avions l’habitude de dire que s’il y avait beaucoup de neige, la pluie allait venir mais maintenant, nous ne la voyons plus. Le froid a disparu", raconte M. Maate, dont le témoignage est corroboré par des données scientifiques.

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En 1906, le mont Speke, l’un des plus hauts du massif, était couvert de glace sur 217 hectares contre seulement 18,5 en 2006, selon l’unité sur le changement climatique du ministère ougandais de l’Eau et de l’environnement.

Des images satellites prises en 1987, puis en 2005, montrent que la fonte des glaces s’est produite essentiellement ces 20 dernières années.

"La glace est littéralement en train de disparaître. Dans certains cas, elle a disparu et je suis plus que certain que ceci est le résultat du réchauffement mondial", a affirmé le responsable de cette unité, Philip Gagwe.

Bouleversement du quotidien

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L’agence nationale de surveillance de l’Environnement (Nema) assure pour sa part que si la fonte se poursuit au rythme actuel, la glace aura disparu d’ici 2023.

Pour la population de Bundibugyo, qui dépend de l’agriculture pour sa survie, la hausse des températures s’accompagne de changements drastiques, et notamment d’une course vers des parcelles en altitude, plus adaptées à leurs cultures.

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"Avant, je pouvais planter des haricots ici vers mars. Mais ça a changé", raconte Nelson Bikalwamuli, 45 ans, qui explique avoir été contraint de trouver une parcelle plus haut dans la montagne, où les températures demeurent propices à la culture des haricots.

Mais l’accès y est difficile et la compétition acharnée pour un lopin de terre. "Les gens continuent d’aller toujours plus haut. Je crains que bientôt nous nous nous retrouvions les uns sur les autres".

Les moustiques apportent le paludisme en montagne

Dans les rues poussiéreuses de Bundibugyo, la population s’inquiète également de l’émergence du paludisme.

"Avant, on n’entendait pas les moustiques ici et nous n’avions pas de paludisme (malaria). Les moustiques étaient en bas", explique M. Maate, désignant les plaines à l’horizon: présent, ils sont ici".

Une scientifique travaillant pour l’ONG Malaria Consortium, Kate Kascinsky, explique qu’une infime hausse des températures peut avoir une réelle incidence sur la prévalence du paludisme.

"Même de petites modifications des températures peuvent potentiellement faire une grande différence", a-t-elle expliqué.

Payer les fautes des autres

La scientifique explique toutefois qu’il est difficile, en l’occurrence, d’établir un lien entre changement climatique et hausse de la malaria dans cette région: le paludisme est souvent mal diagnostiqué en Ouganda, un pays dont les centres de santé n’ont pas la capacité de tester des échantillons.

Reste un sentiment d’injustice au sein d’une partie de la population, qui a le sentiment de payer pour les fautes des autres.

"Notre contribution au changement climatique est presque insignifiante mais nous somme durement touchés", résume Goretti Kitutu, de la Nema.

Une position largement partagée sur le continent, qui tentera de faire entendre sa voix lors du sommet mondial crucial sur le climat à Copenhague en décembre.

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