En Tunisie, qui sont les trois candidats retenus pour la présidentielle ?
Trois prétendants à la présidence, dont Kaïs Saïed, qui brigue un deuxième mandat, vont pouvoir se présenter à l’élection du 6 octobre, un scrutin qui paraît « joué d’avance », selon des experts et des postulants ayant renoncé devant les « obstacles ».
Mis à part le président sortant, Kaïs Saïed, 66 ans, qui brigue un deuxième mandat, l’autorité électorale en Tunisie, Isie, a annoncé avoir accepté les dossiers de deux autres postulants : Zouhair Maghzaoui, 59 ans, un ancien député défenseur du panarabisme, et Ayachi Zammel, lui aussi ancien député, chef d’un petit parti peu connu. Pour les 14 autres prétendants éliminés – qui peuvent encore déposer des recours –, le président de l’Isie, Farouk Bouasker, a assuré qu’ils n’avaient « pas recueilli suffisamment de parrainages ».
Le chemin vers l’élection présidentielle a été semé d’embûches pour les rivaux de Kaïs Saïed, selon les experts. Celui-ci, démocratiquement élu en 2019, s’est accaparé tous les pouvoirs lors d’un coup de force, le 25 juillet 2021, et est depuis accusé de dérive autoritaire par l’opposition et ses détracteurs. Les candidats devaient recueillir le parrainage de dix parlementaires, 40 élus locaux ou 10 000 électeurs à raison de 500 au moins par circonscription, un chiffre énorme selon plusieurs experts.
L’Isie exigeait également un extrait de casier judiciaire (B3) prouvant l’absence de condamnations. Plusieurs candidats se sont plaint d’avoir été entravés sur le plan administratif pour obtenir les formulaires de parrainage, ainsi que le B3. Farouk Bouasker a assuré qu’« aucune candidature n’a été refusée à cause du B3 ».
« Chasse aux sorcières »
En outre, un certain nombre de postulants potentiels, dont des dirigeants de partis comme Issam Chebbi ou Ghazi Chaouachi, sont emprisonnés pour des accusations de complot contre l’État. Ils font partie d’un groupe d’une vingtaine d’opposants, hommes d’affaires et anciens ministres, arrêtés en février 2023 pour complot contre la sureté de l’État, une enquête dénoncée comme « une chasse aux sorcières » par Amnesty International.
Après s’être octroyé les pleins pouvoirs il y a trois ans, Kaïs Saïed a révisé la Constitution pour substituer au régime parlementaire en vigueur un système ultraprésidentialiste où le Parlement n’a pratiquement plus de pouvoirs, et a, selon ses opposants, démantelé la plupart des institutions de contrepoids instaurées depuis l’avènement de la démocratie et la chute de la dictature de Ben Ali, en 2011.
« C’est une élection jouée d’avance », a déclaré l’analyste tunisien Hatem Nafti, soulignant que Zouhair Maghzaoui avait apporté son soutien au coup de force de Kaïs Saïed il y a trois ans. Même s’il est « un peu plus connu » que Ayachi Zammel, selon Hatem Nafti, il est considéré comme « un opposant de l’intérieur, surtout critique du manque de résultats socio-économiques » et du bilan présidentiel. « Il n’a aucune chance car les gens préfèrent toujours l’original à la copie », a ajouté l’analyste.
Le vote « ne sera qu’une formalité »
L’autre postulant, Ayachi Zammel, « n’est pas très connu », selon Hatem Nafti, qui estime qu’« on a réglé en amont la question de l’élection en éliminant tous les concurrents ayant des chances ». Parmi les candidats sérieux qui ont été recalés, des experts et médias citaient régulièrement le nom de Mondher Zenaidi, un ancien ministre du régime de Ben Ali, reconnu pour ses compétences, derrière lequel l’opposition aurait peut-être pu se rassembler, selon Hatem Nafti.
La candidature de la figure de l’opposition, Abir Moussi, cheffe du Parti destourien libre (PDL) qui se revendique de l’héritage des autocrates Habib Bourguiba et Zine El Abidine Ben Ali, a aussi été écartée. Abir Moussi est en détention depuis octobre, notamment pour complot contre l’État.
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L’amiral à la retraite et ancien conseiller à la sécurité nationale Kamel Akrout, qui a renoncé au dernier moment à candidater, a dénoncé une « absence d’égalité des chances et des obstacles visant à exclure des candidats au profit d’un seul ». Le scrutin du 6 octobre « ne sera qu’une formalité qui ne servira à rien d’autre qu’à conférer une légitimité imaginaire à un échec politique, un effondrement économique sans précédent, une pauvreté extrême et un isolement diplomatique », a-t-il fustigé.
Le 9 août, le militant politique et écrivain Safi Saïd, lui aussi considéré comme un concurrent sérieux de Kaïs Saïed, avait jeté l’éponge, faute d’avoir collecté suffisamment de signatures. Il a dénoncé « un manque de clarté des règles du jeu », estimant avoir « failli participer à un ‘one man show’ » de Kaïs Saïed.
(avec AFP)
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