Mali, Ukraine, Suède, Russie… La chute inéluctable de dominos diplomatiques

À la suite du présumé soutien ukrainien aux rebelles maliens, Bamako a rompu ses relations diplomatiques avec Kiev, puis expulsé l’ambassadrice de Suède dont le pays a retiré son aide au développement. Le Sahel apparaît davantage comme un nouveau terrain d’affrontement entre la Russie et l’Ukraine.

© Damien Glez

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Publié le 12 août 2024 Lecture : 2 minutes.

Il y a deux semaines, Bamako recevait encore de Stockholm une aide annuelle que le ministre suédois de la Coopération internationale au développement et du Commerce extérieur évaluait à « plusieurs centaines de millions de couronnes », soit plus de 10 milliards de francs CFA. Dix jours plus tard, le ministre malien des Affaires étrangères estimait que « la vie de ses vaillants soldats et la sécurité de la nation » avaient une valeur « bien au-delà de toute aide au développement.

Cette période a vu des mesures de rétorsion censément prévisibles succéder à des mesures de rétorsion somme toute inévitables. La minimisation de la coopération malo-suédoise par Abdoulaye Diop accompagnait la décision malienne de sommer l’ambassadrice de Suède à Bamako, Kristina Kühnel, de plier bagages. Ladite expulsion faisait suite à l’annonce du ministre suédois Johan Forssell de la suspension de l’aide. Ladite suspension faisait suite à la rupture des relations diplomatiques maliennes avec l’Ukraine, décision perçue par Stockholm comme un soutien à « la guerre d’agression illégale de la Russie contre l’Ukraine ». Ladite rupture faisait elle-même suite à des propos du porte-parole du renseignement militaire ukrainien (GUR).

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Sous-entendu et démenti

C’est fin juillet qu’une vidéo d’Andriy Yusov était relayée par Yuri Pyvovarov, l’ambassadeur ukrainien au Sénégal. Enregistré lors d’une émission de télévision ukrainienne, le responsable du GUR sous-entendait – avant de se rétracter dans le Financial Times – que son service était activement en relation avec les rebelles indépendantistes du nord du Mali dans le but de contrer « les criminels de guerre russes » présents au Sahel.

Quelques jours auparavant, des combats d’une ampleur rare avaient éclaté dans la localité malienne de Tinzaouatène, à la frontière avec l’Algérie. Face aux combattants du Cadre stratégique pour la défense du peuple de l’Azawad (CSP-DPA) et aux jihadistes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), les forces armées maliennes et leurs partenaires russes avaient enregistré de lourdes pertes.

La déclaration de Yusov avait été interprétée par Bamako comme une « implication de l’Ukraine dans une attaque lâche, traître et barbare de groupes armés terroristes ».

L’Afrique, enjeu russe et ukrainien

Alors que l’Ukraine compte certainement ses forces, après son incursion audacieuse dans la région russe de Koursk, elle sait que l’Afrique est devenue l’un des terrains d’affrontement avec la Russie. Pour l’heure, ce sont les leviers diplomatiques qui étaient conjointement actionnés sur le continent africain, tandis que ne résonnaient que des bruits de bottes russes, toujours sous couvert de groupes paramilitaires à dénomination variable.

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Si les sous-entendus d’Andriy Yusov devaient traduire une implication opérationnelle active au Sahel, ne serait-ce que sur le terrain du renseignement, ils devraient cliver davantage l’Afrique, aux votes de résolutions internationales sur le conflit ukrainien. Et peu vraisemblablement au profit de Kiev.

Sur la radio locale ukrainienne, les mots d’Andriy Yusov ont-ils dépassé sa pensée ? S’il avait été plus discret, le présumé soutien aux rebelles maliens aurait pu susciter les soupçons de Vladimir Poutine, sans pour autant susciter l’indignation des opinions africaines. Est-ce pour cette raison que le ministère ukrainien des Affaires étrangères, plutôt évasif, appelle à « procéder à un examen approfondi des faits et circonstances de l’incident survenu dans le nord du Mali » ? Un décryptage qui n’aurait pas encore accouché, selon lui, de « preuves de l’implication de l’Ukraine ».

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