Grève de l’info au Sénégal
Après une journée sans presse, ce mardi, le bras de fer continue entre les patrons des médias sénégalais et le nouveau régime. Manifestement inflexible sur les questions fiscales, le tandem Faye-Sonko va-t-il tenter de mettre les journalistes au pas ?
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 13 août 2024 Lecture : 2 minutes.
La longue histoire sénégalaise, en matière de liberté d’expression, garde-fou des parcours démocratiques, et la culture 2.0. de la nouvelle classe politique dirigeante, auraient pu montrer la voie d’une décrispation dans le secteur de la presse. Un domaine d’activité secoué sous le régime de Macky Sall qui arrêta des journalistes et suspendit certains organes de presse, conduisant ainsi l’ONG Reporters sans frontières (RSF) à dégrader le pays de la 49e à la 94e place, depuis 2021, dans son classement mondial de la liberté de la presse.
Si la presse oppressée est pressée de voir apparaître une décrispation certaine, le nouveau pouvoir bicéphale de Bassirou Diomaye Faye et d’Ousmane Sonko ne semble guère gêné par les échanges de regards en chiens de faïence. Ce lundi, dans un éditorial commun intitulé « la mort programmée des médias sénégalais », les patrons du Conseil des diffuseurs et éditeurs de la presse au Sénégal (Cdeps) appelaient à une journée sans presse, mardi, afin d’alerter sur ce qu’ils considèrent comme « l’une des phases les plus sombres » de l’histoire des médias.
Fiscalité et déontologie
Puisqu’il est question d’expression libre, les critiques mutuelles ont le mérite d’être clairement formulées. Fin juin, le Premier ministre Sonko dénonçait des « détournements de fonds publics », de la part des patrons de presse, au détriment des cotisations sociales. Il critiquait également de présumées entorses déontologiques, notamment en termes de gestion des sources, sous couvert d’une liberté de la presse quelque peu extrapolée à son goût.
Le Cdeps, lui, déplore des « blocages de comptes bancaires » des entreprises de presse pour non-paiement d’impôt, la « saisie de matériel de production », le « gel des paiements dus aux médias », la rupture unilatérale de contrats publicitaires, et même un refus de concertation. Les patrons de presse plaident pour une fiscalité plus flexible. Le président Faye a déjà prévenu, qu’à l’inverse de son prédécesseur Macky Sall, il n’accorderait aucun effacement fiscal.
Les patrons de presse contre les journalistes ?
Entre le marteau de la répression publique et l’enclume de la gouvernance privée, se trouvent les journalistes qui se plaignent du manque de formation, de l’insuffisance de sécurité sociale et de la précarité salariale. Pour mieux régner, le régime Faye, divisera-t-il le secteur en opposant employés présumés exploités et patrons supposés mauvais gestionnaires, voire pire ? Début juillet, le chef de l’État avait reçu la Convention des jeunes reporters du Sénégal (CJRS).
S’agit-il que d’un contentieux fiscal appelé à être résorbé ? Pour le Conseil des diffuseurs et éditeurs de la presse, « l’objectif visé n’est autre que le contrôle de l’information et la domestication des acteurs des médias », par un dénigrement systématique de nature à décrédibiliser la presse. Et de faire vibrer la corde sensible de la contribution des journaux dans « l’affermissement de la démocratie », dans un pays où se succèdent effectivement les alternances politiques, sans passer par la case « putschs »…
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