Ibrahim Traoré, Faure Gnassingbé, Alassane Ouattara… Quand Tiken Jah tacle tous azimuts
Dans son clip en duo avec le Togolais Amen Jah Cissé, le chanteur de reggae ivoirien tacle tout à la fois les démocrates trop gourmands et les fossoyeurs de la liberté d’expression, de la Côte d’Ivoire à l’AES, en passant par le Tchad. Des dents grincent…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 14 août 2024 Lecture : 2 minutes.
C’est avec un titre de double « Jah » que Tiken revient aux sources du reggae militant. Dans leur clip commun Actualités brûlantes, les artistes ivoirien Tiken « Jah » Fakoly et togolais Amen « Jah » Cissé ne se contentent pas de la prosodie générique souvent utilisée dans le genre musical issu du ska et du rocksteady. Les deux artistes énumèrent très explicitement les situations politiques nationales qui les préoccupent.
Dans la première moitié de la chanson, Amen Jah Cissé dénonce la nouvelle Constitution promulguée au Togo, en juin dernier, sur impulsion du camp du chef de l’État Faure Gnassingbé. Explicite, il débute en assénant : « Le peuple togolais dit non à la Ve République. » Et de demander qu’on enlève « le nom du peuple dans ces histoires de régime parlementaire ».
Panorama de l’Afrique francophone
Puis Tiken Jah Fakoly décline le gimmick du refrain – « ne brûlez pas le pays » – à la situation de plusieurs pays d’Afrique francophone. À toute patrie tout honneur, l’Ivoirien explique que « les souvenirs de 2011 […] hantent encore », évoquant ainsi la crise post-électorale de la présidentielle de 2010. Il craint « un match retour » qui « se prépare à l’horizon », « après 3 000 morts ». Lorsque résonne « quatrième mandat », il devient clair que l’artiste né Doumbia Moussa Fakoly redoute un face-à-face Ouattara–Gbagbo à la présidentielle de 2025. Puis, Tiken évoque l’installation d’une « monarchie » au Tchad et un « président inexistant » au Cameroun, avant d’effleurer la situation dans l’Alliance des États du Sahel (AES).
En décembre dernier, la photo d’un « tampon » entre Tiken Jah Fakoly et le capitaine Ibrahim Traoré avait donné l’impression d’un soutien sans faille du chanteur à la junte burkinabè. À Ouagadougou, le reggaeman avait évoqué une lutte devenue « un combat pour l’Afrique ». Dans la veine néosouverainiste du régime burkinabè actuel, il avait déclaré que l’indépendance « donnée en 1960 » n’était que « la photocopie » et que les générations actuelles se devaient de récupérer « la vraie copie ».
Mis en ligne le 8 août dernier, le titre Actualités brûlantes rappelle qu’il ne s’agissait pas d’un blanc-seing de l’artiste aux putschistes de tout poil. Tiken Jah Fakoly déplore « la liberté d’expression mangée par la révolution, acquise dans le sang ». « Regardez ce qu’il se passe dans l’AES », précise l’artiste, « dès que tu critiques un peu, c’est le front ou la prison ». Des internautes pro-régimes de l’Alliance n’ont pas manqué d’appeler au boycott de l’artiste ivoirien, en affirmant que les critiques des pouvoirs en place sabotent, selon eux, les efforts des Forces de défense et de sécurité.
Entre la visite à « IB » et Actualités brûlantes, il ne faut lire aucune incohérence dans les dénonciations d’un chanteur qui renvoie dos-à-dos tous les trompe-l’œil, aussi bien les élections youroukou youroukou tripatouillées que les populismes qui présentent les régimes d’exception comme des démocraties bluetooth.
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