Peine de mort en RDC : le spectre des exécutions fait son retour
Abolitionniste de facto, la RDC a recommencé à prononcer des condamnations à mort par dizaines. Le gouvernement espère créer ainsi un « électrochoc » pour répondre à une situation sécuritaire inextricable dans l’est du pays.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 15 août 2024 Lecture : 2 minutes.
En 2021, pour tenter de résorber l’insécurité persistante dans le Nord-Kivu et l’Ituri, Félix Tshisedeki avait dégainé l’« état de siège », mesure rapidement dénoncée comme un prétexte à des restrictions abusives des libertés, voire à l’étouffement des voix dissidentes.
Trois ans plus tard, toujours confronté à des troubles dans l’Est, le chef de l’État s’appuie désormais sur le levier de la peine capitale. Toujours présente dans le code pénal congolais, et régulièrement prononcée, la peine de mort faisait en réalité l’objet d’un moratoire depuis 2003. Elle a été « réhabilitée » en mars dernier.
Condamnations à mort en série
Début juillet, 25 soldats ont été condamnés à mort par un tribunal militaire pour « vol », « violation des ordres » et « fuite » devant des rebelles du M23 en pleine progression. Au total, ce sont 27 militaires qui avaient abandonné leurs positions dans les villages de Keseghe et Matembe et dérobé au passage des marchandises dans le village voisin. Un tribunal militaire avait été immédiatement mis en place.
Le 8 août, ce sont à nouveau 25 condamnations à la peine capitale qui ont été prononcées à l’issue du procès intenté à Corneille Nangaa, ancien président de la commission électorale devenu chef de file de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), et à plusieurs des principaux leaders du M23. Sur les 25 prévenus reconnus coupables de « crimes de guerre », « participation à un mouvement insurrectionnel » et « trahison », seuls cinq étaient présents pour entendre leur condamnation à la peine capitale. Les autres ont été jugés – et condamnés – in abstentia.
La ligne de crête de la dissuasion
Si la RDC n’a pas encore ratifié le Deuxième protocole facultatif sur l’abolition de la peine de mort (PIDCP-OP2), le pays a ratifié, dès 1976, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Jusqu’au début de l’année 2024, Kinshasa était classé dans les pays « abolitionniste de facto », après l’adoption d’un moratoire et la suspension de l’application de la peine capitale pendant vingt ans, et ceci, malgré plusieurs dizaines de condamnations à mort.
Le 13 mars dernier, le gouvernement avait jugé que la perspective des exécutions permettrait de mieux combattre les exactions des groupes armés, la violence des bandes criminelles et la trahison de certains militaires. Avec des procès très médiatisés, la perspective de l’exécution de la peine de mort restera-t-elle longtemps au stade d’instrument de dissuasion ?
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