En Algérie, les débuts d’une campagne présidentielle à deux vitesses

La campagne pour l’élection présidentielle algérienne est officiellement ouverte depuis le 15 août. Face aux grands moyens du favori, le sortant Abdelmadjid Tebboune, ses deux challengers, Abdelali Hassani Cherif et Youcef Aouchiche, ont opté pour la proximité et tiennent leurs premiers meetings à Alger et Blida. Mais, pour eux, le défi semble difficile à surmonter.

Une du quotidien algérien El Watan dans un kiosque, à Alger, le 15 août 2024, annonçant l’ouverture officielle de la campagne électorale, avec le portrait des trois candidats à la présidentielle du 7 septembre 2024. © Anis Belghoul/AP/SIPA

Une du quotidien algérien El Watan dans un kiosque, à Alger, le 15 août 2024, annonçant l’ouverture officielle de la campagne électorale, avec le portrait des trois candidats à la présidentielle du 7 septembre 2024. © Anis Belghoul/AP/SIPA

Publié le 19 août 2024 Lecture : 4 minutes.

Sous une chaleur caniculaire, la campagne électorale pour l’élection présidentielle du 7 septembre entame en ce lundi 19 août son cinquième jour. Sont en lice trois candidats : le chef de l’État sortant, Abdelmadjid Tebboune et, face à lui, Abdelali Hassani Cherif, le président du Mouvement de la société pour la paix (MSP, parti islamiste modéré), ainsi que Youcef Aouchiche, premier secrétaire du Front des forces socialistes (FFS), qui présente pour la première fois un candidat à une élection présidentielle depuis vingt-cinq ans – la dernière fois c’était en 1999, avec la candidature de Hocine Aït Ahmed, contre Abdelaziz Bouteflika

Autour du président-candidat Abdelmadjid Tebboune, 78 ans, une armée de soutiens s’est alignée en rangs serrés, à commencer par les cadres et militants de partis politiques héritiers du système Bouteflika – lequel se reconstruit sous la bannière de la stabilité et de la continuité. L’appareil d’État se mobilise aussi, discrètement mais efficacement en sa faveur, conférant au processus électoral des airs de déjà-vu.

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Dès le premier jour de la campagne, jeudi 15 août, le ton était donné. Pendant que le chef de l’État intervenait à la télévision pour défendre son bilan et réaffirmer la poursuite de sa politique sociale, son directeur de campagne, qui est aussi son ministre de l’Intérieur (mis en congé spécial), Brahim Merad, se chargeait de coordonner les sorties de ses soutiens, dont des chefs de formations politiques et des responsables d’organisations de la société civile.

Avec un réseau d’appuis aussi fourni, Abdelmadjid Tebboune a pu en quelques heures faire campagne dans cinq « wilayas » (préfectures), à travers Abdelkader Bengrina, le président du mouvement El Bina à Tindouf, mais aussi à travers les cadres du Front de libération nationale (FLN), à Mostaghanem et Ain Timouchent, Front El Moustaquel (« Front de l’avenir »), à Tamanrasset, et le Rassemblement national démocratique (RND), à Alger.

Avec Youcef Aouchiche, le FFS esquisse l’espoir d’une alternative

Pour Youcef Aouchiche et Abdelali Hassani, la course pour la présidentielle semble en revanche ardue et solitaire. Ces deux candidats ont débuté leur campagne respective par des sorties de proximité à Alger pour le FFS, et à Blida et Alger pour le MSP, loin des importants moyens de campagne d’Abdelmadjid Tebboune, notamment médiatiques.

Youcef Aouchiche, 43 ans, natif du village Boghni, en Kabylie (Est), se présente comme l’ultime rempart contre la perpétuation d’un pouvoir figé. À Alger, le candidat du FFS a rencontré les électeurs du quartier populaire de Bab El Oued et esquissé l’espoir d’une alternative. Sa campagne, qui a débuté timidement, reflète le désir de faire entendre une autre voix, même dans un paysage politique où tout semble déjà joué.

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Toutefois, c’est en Kabylie, traditionnel fief électoral de son parti, que Youcef Aouchiche devra mesurer la fiabilité de sa candidature. Il fera face à la lassitude politique qui a touché cette région, qui a été souvent en première ligne lors des crises politiques successives.

Dans leur majorité, les Kabyles doutent désormais de la capacité des partis à apporter de réels changements. Si Youcef Aouchiche échoue à mobiliser cette base électorale, cela pourrait signifier le déclin de l’influence du FFS dans la région et remettre en question son poids même dans le paysage politique algérien.

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Hassani, l’unique candidat islamiste

Quant à Abdelali Hassani, 58 ans, originaire de M’Sila (Centre), il tente de rallier les conservateurs déçus, ceux qui espèrent voir renaître une Algérie guidée par des valeurs religieuses et morales. Le président et candidat du MSP – proche des Frères musulmans et se définissant comme « modéré » – a commencé sa campagne par une visite symbolique à la maison de Mahfoud Nahnah (décédé en 2003), le fondateur de ce petit parti islamiste.

Ce geste n’est pas anodin : Abdelali Hassani a pour objectif de renforcer sa légitimité en tant que successeur spirituel, capable de perpétuer les idéaux de justice sociale, de modération et de réconciliation prônés par feu Nahnaf. Il espère également raviver la flamme chez les militants désillusionnés du parti, qui pourraient voir en cette visite un retour aux principes fondamentaux du mouvement, loin des récents compromis politiques avec la majorité en place.

Abdelali Hassani avance donc, lui aussi, en comptant sur l’appareil de son parti et de celui, plus modeste, du mouvement Ennahda. Sans soutien massif, le défi semble insurmontable.

Entre fonction présidentielle et statut de candidat, pour Tebboune, la frontière est floue

Du côté du contrôle de la campagne officielle, l’Autorité nationale indépendante des élections (Anie) – qui répète à l’envi son engagement pour « une élection transparente » – parle de « neutralité » et de « libre choix ».

Les apparitions télévisées des candidats sont régulées et les règles du jeu encadrées. Toute forme de financement opaque est strictement interdite et l’utilisation d’institutions publiques ou d’espaces administratifs pour organiser des événements de campagne prohibée.

Pourtant, quiconque observe la scène politique algérienne ne peut que constater l’appui dont bénéficie le président Abdelmadjid Tebboune de la part du système en place et des institutions.

À commencer par l’alignement, derrière sa candidature, des formations politiques proches du pouvoir comme le FLN et le RND. Bien que leur soutien soit officiellement indépendant et relevant d’une décision interne des partis, leur mobilisation tend à conforter le sentiment que le système politique a décidé de maintenir Abdelmadjid Tebboune au pouvoir. D’autant plus que, bien entendu, les activités officielles du président sortant s’entremêlent avec ses activités de campagne, brouillant la ligne entre sa fonction et son statut de candidat.

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