Face aux géants de la tech, l’Afrique peut-elle protéger ses données ?

Le marché numérique africain représentera 5,2 % du PIB continental en 2025. De quoi attiser les convoitises des géants de la tech, à qui des règles strictes et harmonisées devront être imposées.

 © ADOBESTOCK

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Jules Hervé Yimeumi. © DR

Publié le 21 août 2024 Lecture : 3 minutes.

Le 19 juillet dernier, la Commission fédérale de la concurrence et de la protection des consommateurs du Nigeria a infligé une amende de 220 millions de dollars à Meta (propriétaire de Facebook) pour pratiques discriminatoires, abus de position dominante et utilisation sans autorisation des données personnelles de plusieurs citoyens nigérians. Meta a contesté cette décision et a promis de faire appel.

En Afrique, une telle sanction est une première. Les big techs sont habitués aux amendes de plus en plus lourdes qui leur sont infligées par l’Union européenne au titre de ses réglementations (Règlement général sur la protection des données, RGPD, notamment). À son tour, le continent africain saura-t-il tenir tête aux big techs sur le long terme ?

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Un marché immense

L’Afrique est un continent riche à plus d’un titre. Riche de sa population (près d’1,5 milliard habitants, dont plus de la moitié ont moins de 50 ans), et surtout de sa jeunesse très attachée aux services numériques. Avec un taux de pénétration de 40 % en général et de 60 % en zone urbaine, l’accès à internet en Afrique n’est plus un luxe. Selon un rapport de Google et de la Société financière internationale (IFC), l’économie numérique du continent pourrait atteindre 180 milliards de dollars en 2025, soit 5,2 % du PIB. Ce qui fait du marché africain du numérique l’un des plus prometteurs au monde.

Un marché convoité

Fort de son potentiel, le marché africain attire les géants du numérique qui y investissent de plus en plus, notamment dans le déploiement des infrastructures numériques et dans la fourniture de services numériques. Ainsi, pour relier l’Afrique à l’Europe, le câble sous-marin Africa Coast to Europe (ACE) a été posé par Alcatel Submarine Networks (ASN) et Orange Marine, de même que le câble Equiano par Google. En 2019, Google avait déjà ouvert un centre de recherche en intelligence artificielle au Ghana. L’Égypte et le Nigeria figurent respectivement au 11ème et 12ème rang des pays comptant le plus d’utilisateurs de Facebook dans le monde.

C’est pourquoi, pour les géants du numérique, l’Afrique reste un territoire majeur à conquérir en apportant des solutions adaptées aux populations, plutôt qu’en versant dans le solutionnisme technologique.

Un marché fragmenté

Pourtant, le marché africain est fragilisé par sa fragmentation originelle et par la diversité de ses réglementations.

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Les États africains essaient de protéger leurs ressources numériques à travers la réglementation du commerce électronique, la protection des données personnelles, la lutte contre la haine et la désinformation sur internet, etc. Des décisions courageuses sont prises pour protéger le cyberespace et l’internaute africains, quelquefois même au risque de porter atteinte à des libertés fondamentales.

Ainsi, en 2021, le Nigeria a banni X de son territoire, avant que cette décision ne soit jugée attentatoire à la liberté d’expression par la Cour de Justice de la Cedeao. La même année, le régulateur sud-africain avait interpellé WhatsApp sur sa politique de confidentialité, qui ne respectait pas la loi sur la protection des données personnelles des citoyens sud-africains. Enfin, le Kenya, quant à lui, avait obtenu la suspension des activités de WorldCoin (projet de cryptomonnaie porté par Sam Altman, le PDG d’OpenAI) en 2023.

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Si elles sont courageuses, la multiplication de ces décisions peut devenir un obstacle au développement d’une économie numérique, à cause de la difficulté pour les plateformes de se mettre en conformité avec des lois trop différentes les unes des autres.

Un marché divergent

Ce n’est pas individuellement, mais tous ensemble, que les États africains se feront entendre par les géants de la tech. Lesquels peuvent ignorer la décision d’un État de 5 millions d’habitants, s’ils estiment pouvoir se passer de ce marché. Cela devient plus difficile quand on parle de 1,5 milliard d’utilisateurs potentiels.

L’union faisant la force, il serait judicieux de penser à mutualiser les moyens pour parler d’une même voix. Pour protéger leurs ressources, les États africains devraient travailler davantage à harmoniser leurs réglementations et à se doter de mécanismes de sanctions au-delà de l’échelle étatique.

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