Alain Delon, l’homme qui aimait le Maroc

Comme bon nombre de personnalités, l’acteur appréciait beaucoup le Maroc. Un pays qu’il a d’abord connu via la jet-set avant d’acheter un riad à Marrakech.

Troisième festival international du film de Marrakech, le 10 avril 2003. © NIVIERE/SIPA

Troisième festival international du film de Marrakech, le 10 avril 2003. © NIVIERE/SIPA

Publié le 20 août 2024 Lecture : 4 minutes.

« Un grand ami du Maroc« . C’est ainsi que l’acteur Alain Delon, l’un des derniers monstres sacrés du cinéma français, décédé le matin du dimanche 18 août à l’âge de 88 ans, est décrit par certains titres de presse marocains.  En 2003, « le Samouraï » avait reçu par deux fois les honneurs du royaume : la décoration de l’Ordre du Wissam alaouite, considérée comme la plus prestigieuse distinction du protocole marocain, des mains du prince héritier Moulay Rachid, le frère du roi Mohammed VI, et l’Étoile d’Or du Festival International du Film de Marrakech (FIFM), remise par la légendaire actrice italienne Claudia Cardinale. Pour autant, ses relations avec le Palais sont toujours restées très discrètes, tout comme ses liens avec le pays.

Le « Palais des plaisirs » à Marrakech 

Pourtant, l’acteur a effectué des séjours réguliers au royaume, il y a même acheté un somptueux riad, à Marrakech. Cette acquisition remonte au début des années 1980. Auparavant, Bill Willis, architecte d’intérieur américain – débarqué par hasard dans la ville ocre au beau milieu des sixties -, avait fait de Marrakech « the place to be » pour la jet-set internationale. Willis a en effet popularisé le « concept Marrakech » dans les plus grandes revues d’architecture, de design et de décoration d’intérieur. L’industriel et milliardaire américain Paul Getty lui confie la restauration du magnifique palais de la Zahia, situé à l’intérieur des remparts de la médina. Au cours des seventies, ce petit joyau architectural est surnommé « le Palais des plaisirs », tant Getty y reçoit le gratin mondain : Pierre Bergé, Mick Jagger, Marianne Faithfull, etc. C’est au cours de la décennie suivante qu’il vend finalement son bijou à Alain Delon. A l’époque, celui-ci forme un couple iconique avec l’actrice Mireille Darc. Les amoureux y coulent des jours heureux jusqu’à leur séparation, en 1983.

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Une amitié avec Malika Oufkir 

Les liens d’Alain Delon avec le sérail marocain sont cependant antérieurs à son acquisition immobilière. En effet, l’acteur a connu Malika Oufkir, la fille aînée du général Mohamed Oufkir, notamment ministre de l’Intérieur du roi Hassan II de 1967 à 1971. Malika, née en 1953, a été « adoptée » par le roi Mohammed V et élevée au Palais de Rabat comme une princesse de sang royal. Elle a rencontré l’acteur sur un tournage, probablement à la fin des années 1960 ou au début des années 1970. Elle aurait même passé des vacances en sa compagnie. En 1972, comme toute sa famille, Malika Oufkir est emprisonnée après la tentative de coup d’État fomentée par son père biologique contre Hassan II. Ses proches et elle vivent l’enfer de la détention, dans des conditions extrêmement précaires, pendant dix-neuf ans, jusqu’en 1991. Quatre ans avant sa libération, Malika Oufkir – prête à tout pour être libérée et survivre -, est parvenue à contacter l’avocat français Maître Kiejman, le président François Mitterrand, la reine d’Angleterre, le pape, Ronald Reagan, Margaret Thatcher et une ribambelle de célébrités croisées dans une autre vie, dont Alain Delon. Très touché par sa situation, ce dernier aurait envisagé d’intervenir dans la presse avant d’être dissuadé par Me Kiejman, selon lequel son intervention aurait pu contrarier la clémence du souverain marocain.

Soutien au Sahara marocain 

En 1998, Alain Delon cède le Palais de Zahia pour deux millions d’euros à un autre couple médiatique, Arielle Dombasle et Bernard Henri-Lévy. Deux ans auparavant, le philosophe a réalisé son premier film, Le jour et la nuit, au Mexique, avec Delon et Dombasle au casting. Un terrible « nanar », selon la critique. Après cette vente, l’acteur ne rompt pas avec Marrakech et continue d’y séjourner régulièrement. C’est ainsi qu’en juin 2010, interviewé par la MAP – l’agence de presse officielle du Maroc -, il s’exprime en faveur du Sahara marocain, « primordial dans l’esprit de l’ensemble des Marocains », avant de souligner « l’impératif d’aider ces Marocains prisonniers des Algériens à Tindouf ». La presse marocaine ne boude jamais son plaisir lorsqu’il s’agit de publier à nouveau ces déclarations et cette position. Mais jusqu’à sa mort, Alain Delon ne s’est plus jamais exprimé publiquement quant à ses opinions politiques sur le royaume.

Le Pen, L’Insoumis et la guerre d’Algérie

Le Maroc et la monarchie ont toujours suscité l’attrait et la fascination auprès de personnalités françaises, notamment à droite, parmi lesquelles un ami d’Alain Delon, Nicolas Sarkozy – amoureux de Marrakech et réputé proche du roi Mohammed VI . Mais parmi les « amis » du Royaume, il y a aussi un certain Jean-Marie Le Pen, invité par le roi Hassan II à Rabat en 1990, alors qu’il était en voyage aux Canaries avec son groupe parlementaire. Le président du Front national, qui n’a jamais caché son « admiration » pour le défunt souverain marocain, a aussi entretenu une amitié ostensible et des affinités politiques avec Delon à partir des années 1980. Si Jean-Marie Le Pen a été un tortionnaire durant la Guerre d’Algérie, en 1957 et en 1962, Delon, lui, s’est illustré dans le film LInsoumis (1964), l’histoire d’un déserteur de la Légion étrangère qui enlève et séquestre, pour le compte de l’OAS, une avocate française venue à Alger défendre des militants indépendantistes. Le film d’Alain Cavalier, sorti deux ans après la fin de la guerre d’Algérie, a été un temps interdit de grand écran.

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