Quand IB se prend pour le Che
Sous la houlette du président Ibrahim Traoré, le conseil des ministres du Burkina Faso veut faire sienne une nouvelle devise – « la Patrie ou la Mort, nous vaincrons ». Bien qu’empruntée à un révolutionnaire étranger, elle a connu son heure de gloire à l’époque de Thomas Sankara.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 22 août 2024 Lecture : 2 minutes.
Pour alimenter le retour à la pure africanité, les autorités du Burkina Faso programment un changement de devise nationale, en adoptant une formulation américaine dans une langue européenne… « La patrie ou la mort » a été popularisée par l’Argentin (Cubain d’adoption) Ernesto Guevara. C’est en conclusion d’une conférence aux Nations unies, le 11 décembre 1964 à New York, que le « Che » avait conclu son propos par « Patria o muerte ! ». Signe du destin ? Le 11 décembre est le jour de la fête nationale au Burkina. On pourra également invoquer la dose d’africanité acquise par l’Argentin qui alla prêter main forte, l’année suivante, à la rébellion simba du Congo.
Quant à la langue utilisée pour porter sur les fonts baptismaux la nouvelle devise nationale burkinabè, elle est celle de l’ancien colon, toujours accusé de mauvaises intentions à l’égard du Faso. Celle-ci a d’ailleurs récemment été déclassée de « langue officielle » à « langue de travail ».
C’est le rapport du dernier conseil des ministres du Burkina Faso qui indique, en français, la volonté du gouvernement de modifier l’alinéa 4 de l’article 34 de la constitution de 1991 pour consacrer dorénavant « la Patrie ou la Mort, nous vaincrons » comme devise nationale.
Une patine burkinabè a certes été passée sur la citation du Che, puisque la devise adoptée en 2024 était déjà celle promue par le Conseil national de la révolution (CNR) de Thomas Sankara, dans les années 1980. Déjà burkinabisée, la sentence peut donc être considérée conforme à une sorte de « tradition », la devise « Unité-Progrès-Justice » ne l’ayant remplacée qu’au moment du gommage progressif des symboles révolutionnaires sous l’ère d’un Blaise Compaoré hanté par le charisme de son prédécesseur assassiné. C’est d’ailleurs à cette même période que l’avenue Che Guevara du quartier Gounghin a été débaptisée. En sus, après la récente réquisition, pour le front anti-jihadiste, de cinq magistrats, une devise avec le terme « Justice » pouvait sonner faux…
Depuis l’arrivée au pouvoir d’Ibrahim Traoré, il y a presque deux ans, « Thom’ Sank’ » – l’autre capitaine – est une valeur sûre, que l’on n’hésite jamais à invoquer ni à convoquer. De même, si le nationalisme fier et autosuffisant semble être une mamelle du régime actuel, l’autre sein est bien celui de l’esprit révolutionnaire qui, par nature, comporte une forte vocation universaliste à unir « les prolétaires de tous les pays ». Pourquoi pas les argento-cubano-burkinabè francophones ?
Objectif : « le bonheur »
Dans le communiqué de ce 21 août portant sur l’adoption de l’avant-projet de loi en rapport avec la devise nationale, le ministre burkinabè de la Justice, Edasso Rodrigue Bayala, explique que « ce changement vise à renforcer le sentiment patriotique d’une part, et d’autre part à faire revivre la flamme de l’engagement citoyen, cette même flamme qui éclaire la marche du peuple vers l’horizon du bonheur ».
Depuis que le premier responsable de la transition est formellement devenu « président du Faso », à la faveur des secondes assises nationales de son règne, celui-ci élargit la vocation purement sécuritaire qui justifia son putsch, en faisant subir à une constitution de la IVe république déjà corsetée par la Charte de la transition, une chirurgie esthétique par petites touches. Ce même 21 août 2024, une autre modification constitutionnelle était évoquée, afin de permettre de consacrer plus aisément la Fédération ou Confédération de l’Alliance des États du Sahel (AES).
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