Biens mal acquis de l’Algérie : l’impossible quête d’Abdelmadjid Tebboune
Depuis le début de son premier mandat en 2019, le président candidat à sa réélection le 7 septembre a fait de la récupération de l’argent public détourné une priorité. Qu’il met en avant lors de sa campagne électorale même si jusqu’à présent, l’opération a fait chou blanc.
C’est l’un des principaux engagements du président Abdelmadjid Tebboune depuis le début de son premier mandat. Il l’a réitéré le 15 août dernier, lors d’une intervention télévisée comptant pour la campagne électorale de la présidentielle du 7 septembre : la récupération des biens et des avoirs immobiliers et financiers détenus par les anciens oligarques à l’étranger est, et demeure, l’une de ses principales priorités. Mais cinq années après le début, à l’été 2019, des grands procès pour corruption et blanchiment de ces hommes d’affaires, dont beaucoup purgent aujourd’hui de lourdes peines de prison, où en est vraiment cette opération de récupération de ces biens à l’étranger ?
Grand bluff ?
Car derrière les déclarations satisfaites, c’est le grand flou. Parfois, le grand bluff. Sans détailler le processus, le candidat Tebboune indique ainsi que 4 500 milliards de dinars (environ 30 milliards d’euros) de crédits et de prêts bancaires avaient été accordés à ces oligarques au cours des trois derniers mandats (de 2004 à 2019) de son prédécesseur. Durant la brève période, entre juin et août 2017, où il était Premier ministre, il avait déjà tenté de récupérer une partie de ces crédits. Sans succès, d’autant qu’il a été rapidement évincé de son poste en raison, notamment, de cette guerre lancée contre les oligarques. Le bilan dressé par le président candidat porte donc surtout sur ce qui a pu être fait depuis son élection, en 2019. Au cours de ce premier mandat, il affirme que 51 unités industrielles construites avec des aides publiques ont été récupérées par l’État, et ce à la suite de la condamnation définitive de leurs propriétaires.
S’agissant des biens immobiliers disséminés à l’étranger, Abdelmadjid Tebboune affirme en particulier que l’État algérien a récupéré un hôtel détenu en Espagne par un homme d’affaires algérien, et ce grâce à l’aide des autorités locales. Même s’il se garde toujours de citer le nom de cet homme d’affaires, le président fait allusion à Ali Haddad, ex-PDG du Groupe ETRHB, qui avait acquis en 2011 l’établissement cinq étoiles El Palace Hotel à Barcelone pour 68 millions de dollars.
Au cours de l’un de ses procès, en juin 2020, Ali Haddad affirmait avoir acheté cet hôtel pour 54 millions d’euros grâce à des prêts de banques espagnoles. Sauf que depuis son acquisition en 2011, les statuts de l’établissement ont été modifiés à maintes reprises tant et si bien que son nom n’apparaît plus dans les statuts tels qu’ils sont déposés aujourd’hui auprès de la BOE, l’agence nationale du Bulletin officiel de l’État.
L’imbroglio du Palace Hotel de Barcelone
Aujourd’hui, El Palace Hotel Barcelona appartient à Radia Bouziane Allaoui, via sa société Royal Blue Bird SL dont elle est propriétaire unique. Le palace, l’un des établissements hôteliers les plus chics d’Espagne dont le nouveau directeur, Pedro Rodríguez Madrigal, a été nommé en mars 2024, continue d’offrir ses services à ses clients fortunés.
Comment alors l’État algérien aurait-il pu récupérer cet hôtel alors qu’il n’est plus la propriété d’Ali Haddad ? À supposer même que ce dernier en serait toujours propriétaire, il est clair que la demande de restitution de la part de la justice algérienne prendrait au moins une dizaine d’années de batailles judiciaires entre les différentes parties impliquées, le ou les propriétaires notamment.
La prétendue récupération de cet hôtel s’apparente donc à un enfumage dont le but serait avant tout de masquer le bilan négatif de toute cette opération de récupération des biens à l’étranger. Là encore, la transparence et la clarté font défaut. Ce qui n’empêche pas Abdelmadjid Tebboune d’affirmer que la justice algérienne a adressé 285 commissions rogatoires dans 32 pays dans lesquels ces anciens oligarques sont soupçonnés de détenir des avoirs. Il ajoute que 755 comptes y ont été identifiés. « Les procédures bancaires sont compliquées, précise-t-il encore ce 15 août. Nous avons espoir de restituer tout l’argent du peuple. »
L’an dernier, une petite lueur d’espoir est tout de même venue de Suisse, lorsque la justice helvétique a répondu favorablement aux commissions rogatoires visant Saïd Bouteflika, le frère de l’ancien président condamné à douze ans de prison ferme. Les magistrats suisses ont transmis des informations sur différents virements que celui-ci a reçus sur un compte bancaire à Genève, dont un provenant d’un compte au Koweït. Le montant total des avoirs du frère de l’ex-chef de l’État est estimé à 35 millions de dollars.
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