L’Alliance des États du Sahel se construit aussi en numérique
Des experts en communication du Mali, du Burkina Faso et du Niger se sont réunis pour jeter les bases d’une plateforme numérique de médias. Une chaîne de télévision pourrait commencer à émettre dès septembre.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 27 août 2024 Lecture : 2 minutes.
Si les néosouverainistes sahéliens s’arment de munitions 39 mm d’AK-47 pour repousser les assauts jihadistes, elle s’équipe également de projectiles communicationnels susceptibles d’écrire un nouveau récit à partager avec chaque composante de l’Alliance des États du Sahel (AES). Après la mise en commun des substrats militaires et politiques malien, burkinabè et nigérien en vue d’une intégration institutionnelle croissante, et en attendant la mise en place d’une monnaie commune, voici venu le temps de la prodada [la frime] concertée.
Certification fédérative
Le principe est de « sahéliser » la production médiatique autant que de la contrôler, ce qui n’a rien de contradictoire avec des presses publiques nationales qui diffusent déjà la chronique commune « AES actualités » et qui ont tout d’une presse gouvernementale. Organisé autour du ministre malien de la Communication, Alhamdou Ag Ilyene, un atelier a réuni les 22 et 23 août des experts en communication du Mali, du Burkina Faso et du Niger pour imaginer une plateforme numérique de médias estampillée « AES ». Le projet comprendrait une diffusion sur les réseaux sociaux et une web TV qui pourrait commencer à émettre dès le 16 septembre.
Fixé par les présidents de transition lors du récent sommet de Niamey, l’objectif est clairement conjoncturel, comme le formule le communiqué final de la récente rencontre : « contrer les campagnes de désinformation orchestrées » contre les pays de l’Alliance. Il s’agit donc d’opposer à ce présumé harcèlement médiatique international une information officielle autoproclamée « fiable ». Les contenus diffusés bénéficieraient ainsi d’une sorte de « certification » publique.
Journalisme patriotique
Rapidement après leur putsch respectif, les régimes militaires ouest-africains ont cherché à infléchir les lignes éditoriales de la presse privée comme publique, invitant expressément les journalistes locaux à pratiquer le mensonge par omission, par exemple en « oubliant » l’annonce d’un attentat de nature à démoraliser l’auditoire. Ou en indiquant la porte de sortie du pays à de nombreux médias internationaux.
En lieu et place du terme de « musellement » des voix discordantes, l’expression de « guerre informationnelle » leur permet de justifier l’élaboration d’un journalisme dit « patriotique », charge de déterminer ce qui est patriote et ce qui ne l’est pas à ces mêmes pouvoirs… La création d’une ligne éditoriale nationaliste transnationale a pour but avoué de « renforcer la crédibilité de l’AES sur la scène internationale », comme le précise le communiqué issu de l’atelier organisé par le ministère malien.
Elle vise aussi à améliorer l’image de l’Alliance à l’extérieur, tout en tentant de consolider l’adhésion des peuples des trois pays. Ce 21 août, le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) alertait sur la situation humanitaire « intenable » de réfugiés burkinabè au Mali. Une information démoralisante qui ne devrait pas avoir sa place sur la future web TV « AES ».
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