La saga de la famille Eyadéma continue
Des soupçons d’atteinte à la sûreté de l’État ont conduit à l’arrestation de deux demi-frères du président togolais, Faure Gnassingbé. Mercredi, Kpatcha était interpellé et, le lendemain, c’était au tour d’Essolizam. Mais, finalement, le pouvoir reste aux mains de la famille du défunt général Gnassingbé Eyadéma…
L’arrestation mercredi du propre frère du président togolais Faure Gnassingbé, Kpatcha, souvent présenté comme le gardien du système opaque et autoritaire hérité de leur père, semble prouver qu’une page est tournée au Togo, même si la famille Eyadéma reste aux commandes.
« Il n’y a pas d’autre issue pour le Togo que de continuer sur la voie de la démocratie. L’ère Eyadéma est bien révolue et il faut aider le président », confie à l’AFP l’ancien président de l’Assemblée nationale Fambaré Natchaba.
Homme de grande influence du temps du président Gnassingbé Eyadéma, qui a dirigé le pays de 1967 jusqu’à son décès en février 2005, M. Natchaba admet que le passé est « lourd » et que Faure Gnassingbé « fait des efforts énormes ».
« Accident de parcours »
Pour lui, la querelle fratricide qui secoue le clan est « un accident de parcours » qui ne doit pas remettre en cause le processus. « Nous n’avons pas d’autre choix que la démocratie. On ne peut pas reculer ».
Au Togo, « l’ère Eyadéma » correspond à 38 ans de pouvoir autoritaire et solitaire, de parti unique puis de multipartisme au début des années 90, de mélange entre politique et affaires. Tout partait et tout remontait au « Vieux », le surnom familier du général. Les grandes comme les petites décisions.
Reçu par le défunt président, un militaire embastillé s’était vu offrir le choix suivant: retourner en prison ou devenir ministre de la Défense.
Ministres, hommes d’affaires togolais et étrangers, courtisans, tous passaient des heures, affalés dans des fauteuils à Lomé 2, le siège de la présidence, à attendre une audience, une signature.
Le pays vivait à son rythme. Un homme politique français de passage en a fait l’expérience: il pensait avoir un entretien à 16H30, c’était en fait 04H30 du matin!
Quant à l’opposition, elle était insignifiante et laminée.
La révolution Faure
Avec Faure Gnassingbé, qui a directement succédé à son père, les choses et le style ont nettement changé. Les débuts ont été difficiles: d’abord imposé par les généraux, Faure a été élu lors d’un scrutin contesté marqué par des violences.
Mais, sans pour autant désavouer son père, des signes de changement ne trompent pas: il amorce le dialogue avec l’opposition, réhabilite le nom, honni du temps de son père, de Sylvanus Olympio, le premier président du Togo indépendant assassiné en 1963 lors d’un coup d’Etat auquel a participé Gnassingbé Eyadéma. Il va jusqu’à nommer fin 2006 comme Premier ministre un vieil ennemi de ce dernier, Yaovi Agboyibo.
Dans un pays dont l’histoire est jalonnée d’élections frauduleuses et de violences politiques, les législatives de 2007 se sont déroulées correctement selon les observateurs internationaux. Le Rassemblement du peuple togolais (RPT) au pouvoir a obtenu moins de voix que les deux principaux partis d’opposition réunis mais conserve une majorité parlementaire.
Les bailleurs de fonds ont repris le chemin de Lomé, notamment l’Union européenne fin 2007.
Reste pour le jeune président de bientôt 43 ans à gommer les taches du passé, gérer l’héritage et la famille, selon un analyste étranger.
« L’un (Kpatcha) assume totalement cet héritage pour conserver les intérêts, les méthodes, la pratique, l’autre (Faure) est peut-être parfois mal à l’aise » avec certaines pages sombres du pouvoir paternel, estime-t-il sous couvert de l’anonymat.
A la mort du « Vieux », une seule question était déjà sur toutes les lèvres: qui dirige la famille? Faure Gnassingbé a donné cette semaine un premier élément de réponse.
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