Nicolas Sarkozy ménage tout le monde sur les deux rives du Congo

Nicolas Sarkozy a pesé chacun de ses mots lors de sa visite, jeudi, en République démocratique du Congo. Le président français s’est notamment attaché à lever les malentendus causés par sa proposition d’un partage des « richesses » entre la RDC et le Rwanda. A Brazzaville, le chef de l’Etat a souligné qu’il n’était pas venu pour soutenir son homologue Denis Sassou Nguesso, qui pourrait se présenter à la présidentielle de juillet…

Publié le 27 mars 2009 Lecture : 5 minutes.

Au premier jour de sa tournée éclair en Afrique, le président français Nicolas Sarkozy a clarifié jeudi à Kinshasa son initiative controversée de paix pour la République démocratique du Congo (RDC) puis plaidé à Brazzaville en faveur de la "rénovation" des relations franco-africaines.

Devant le Parlement de Kinshasa, M. Sarkozy, qui se rend vendredi au Niger, s’est longuement attaché à lever les malentendus suscités en RDC par sa proposition, il y a deux mois, en faveur d’un partage "de l’espace" et des "richesses" minières entre la "grande" RDC et le "petit" Rwanda voisin.

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"Courageuse" opération congolo-rwandaise

Dans un discours aux termes soigneusement pesés, il a salué la "décision courageuse" du président Joseph Kabila d’avoir invité le Rwanda à l’opération militaire conjointe lancée en janvier pour nettoyer l’Est de son pays des rébellions, notamment celles des Hutus rwandais. "Je veux y voir les prémices d’une véritable refondation de la région", a assuré le président français.

Il a suggéré à tous les pays de l’Afrique des Grands lacs de donner un "nouvel élan" à leur coopération économique autour de "projets qui fédèrent" en matière de transports ou d’énergie, et même proposé d’accueillir à Paris en 2010 une conférence des bailleurs de fonds pour la soutenir.

Le chef de l’Etat français s’est par ailleurs engagé à aider la RDC à effacer sa dette extérieure.

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Saluant "un géant" africain, Sarkozy a martelé que "la vocation du Congo n’était pas d’être le maillon faible de l’Afrique centrale" et dénoncé le "gâchis" d’un pays qui a "la fortune à portée de main" mais "reste pauvre".

"Souveraineté inaliénable du Congo"

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Surtout, il s’est abstenu de réutiliser le mot de "partage", que Kinshasa avait considéré comme une volonté de démembrer son territoire au profit du voisin et ennemi rwandais et rappelé son attachement à "la souveraineté inaliénable du Congo".

Il a également rendu hommage à la "fragile démocratie" congolaise, créditant son président d’une transition réussie. Alors que des ONG comme Human Rights Watch se déclarent "préoccupées" par la dégradation de la situation politique, il a plaidé en faveur de la tenue d’élections locales "dans un délai raisonnable".

Ce discours a été plutôt bien accueilli par la classe politique congolaise. "Je crois que le gouvernement congolais devra s’en inspirer parce que nous sommes la honte du monde. Avec autant de richesses (…) nous ne pouvons pas être pauvres", a déclaré à l’AFP le président démissionnaire de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe.

Le temps de traverser le fleuve Congo en hélicoptère et Nicolas Sarkozy a rejoint après le déjeuner Brazzaville, où il s’est entretenu avec le président congolais Denis Sassou Nguesso, fidèle allié de Paris dans la région.

Relation franco-africaine "rénovée"

Dans le droit fil du discours qu’il avait prononcé en février 2008 en Afrique du Sud, il a une nouvelle fois défendu, devant les parlementaires congolais, sa vision d’une relation franco-africaine "rénovée", débarrassée des "pesanteurs du passé" et des "soupçons".

"Nous devons définir ensemble les termes d’une proximité et d’une familiarité renouvelées. Il faut nous débarrasser des pesanteurs du passé (. . . ) qui alimentent trop souvent méfiances et soupçons" et "d’une relation trop souvent caricaturée comme opaque et affairiste", a déclaré M. Sarkozy en faisant référence à la "Françafrique".

Dénonçant les "prétendues ingérences néocoloniales" prêtées à la France, le chef de l’Etat français a ainsi raillé les Congolais qui "mettent ma visite à Brazzaville sur le compte des échéances électorales congolaises de juillet".

"La France n’a pas de candidat", a martelé Nicolas Sarkozy à l’intention de ceux qui accusent Paris de rouler pour le président sortant Denis Sassou Nguesso, au pouvoir depuis 1997, mais qui n’a pas encore indiqué son intention de briguer un éventuel nouveau mandat.

Retour de "la stabilité et la sécurité" salué

"Il est plus que temps de sortir des malentendus et des procès d’intention", a-t-il insisté.

Il a également souhaité que ce scrutin se déroule "dans la sérénité et la transparence", alors que les législatives de 2007 et locales de 2008 avaient été entachées de fraudes, et espéré que la population du Congo profite mieux des "bénéfices" de ses richesses naturelles comme le pétrole.

S’il a crédité Denis Sassou Nguesso, au pouvoir depuis 1997, du retour de "la stabilité et la sécurité" au Congo, le président français s’est cependant entretenu avec des chefs de l’opposition, qui ont salué une "première".

Contrastant avec la sobriété de celui de Kinshasa, la pompe de l’accueil réservé à Nicolas Sarkozy à l’aéroport de Brazzaville et la présence discrète sur le tarmac de l’avocat Robert Bourgi, considéré comme l’un des gardiens de la "Françafrique", ont suggéré que la rénovation prônée par le président français n’était pas encore achevée.

L’opposition congolaise satisfaite

Reste que l’opposition se déclare satisfaite de la visite de Nicolas Sarkozy. "M. Sarkozy n’est pas venu pour donner des instructions avec une idée paternaliste de la France d’hier. Il est venu pour nous écouter, pour nous aider à nous parler (le pouvoir et l’opposition, ndlr)", a déclaré à la presse le représentant de la première formation de l’opposition, Pascal Tsaty Mabiala, qui a rencontré jeudi soir le président français durant environ une demi-heure.

"On est satisfait de l’entretien qu’on vient d’avoir avec M. Sarkozy puisque, lui comme nous, avons toujours demandé que nous dialoguions avec le pouvoir et que toutes les questions qui tournent autour de l’organisation de l’élection soient réglées par le dialogue et la concertation", a assuré M. Tsaty Mabiala, secrétaire général de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (Upads) et également porte-parole d’un Front uni des partis de l’opposition. 

Le chef de l’Etat français a rencontré une délégation de cinq opposants représentant les principales formations de l’opposition congolaise.

Le pouvoir a annoncé jeudi, lors de la visite de M. Sarkozy, la tenue le 11 avril d’une rencontre entre pouvoir, opposition et société civile. Une concertation qui était réclamée depuis plusieurs mois par l’opposition, la société civile et même le clergé.

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