L’armée prend ses distances avec le chef de l’Etat

Face à la crise politique à Madagascar, l’armée malgache a réalisé un coup d’éclat cette semaine en remplaçant son chef d’état-major en geste de défiance au président, avec l’objectif proclamé d’un retour à « l’ordre », mais sans afficher de prétention politique.

Publié le 13 mars 2009 Lecture : 2 minutes.

Le remplacement surprise mercredi par ses pairs du chef d’état-major général de l’armée (CEMGAM), qui, constitutionnellement, doit pourtant être nommé par le chef de l’Etat Marc Ravalomanana, a accentué le climat de flottement politique dans le pays.

Jeudi, la gendarmerie et la police nationale ont en outre annoncé "travailler ensemble" avec le nouveau chef d’état-major pour le "rétablissement de l’ordre". Ces événements marquent un lâchage du chef de l’Etat par les forces de sécurité qui ont affirmé leur autonomie, en insistent sur l’importance de préserver leur unité et leur indépendance.

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Interrogé par l’AFP jeudi soir, le nouveau CEMGAM, le colonel André Ndriarijaona, affirme "n’avoir aucun contact" avec le président. "Il doit céder la place, car maintenant, ce n’est plus la peine de persister", ajoute-t-il. Mais le colonel n’appelle pas non plus à soutenir massivement le leader de l’opposition, Andry Rajoelina. "Si c’est la solution pour que le calme revienne à Madagascar, on le soutiendra", avance-t-il simplement.

Jean-Eric Rakotoharisoa, membre d’un observatoire indépendant de la vie politique, estime que "rien ne dit que les militaires vont favoriser Andry Rajoelina. Ils ont fait ça pour régler rapidement la situation, peut-être vont-ils forcer les parties à négocier".

Le chef d’état-major et le commandant de la gendarmerie, le général Gilbain Pily, ont tous les deux rejeté l’idée de la mise en place d’un directoire militaire, et souligné que l’objectif était "la sécurité et la sérénité de la population".

L’armée et la gendarmerie comptent environ 11. 000 hommes chacune et la police 6. 000. "On n’est pas venu ici pour faire un coup d’Etat ou instaurer un directoire militaire. Il faut laisser aux politiques le soin de résoudre les problèmes", a martelé le CEMGAM. "Un directoire militaire n’est pas prévisible. Les forces armées sont apolitiques, donc il ne faut pas s’immiscer dans les affaires politiques", a renchéri jeudi le général Pily.

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Selon une source proche du dossier s’exprimant sous couvert d’anonymat, ce coup d’éclat de l’armée est aussi le résultat d’une accumulation de "frustrations" des militaires face à M. Ravalomanana.

"Il y avait un vrai ras-le-bol et une rancoeur accumulés dans l’armée au fil des années à cause d’un manque de moyens, d’un budget insuffisant et d’un manque de considération du chef de l’Etat pour les militaires", relève cette source.

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Les militaires ont également visiblement peu apprécié "la valse" des chefs d’état-major ces dernières années remplacés par le chef de l’Etat. Selon un militaire à la retraite, "il y a aussi le fait que le chef suprême des armées (Ravalomanana) n’a pas respecté la hiérarchie de commandement".

Mais au-delà d’un "rétablissement de l’ordre", la nouvelle direction de l’armée ne propose pas de solution de sortie d’une crise dans laquelle plus d’une centaine de personnes ont péri depuis fin janvier, renvoyant dos à dos les politiques.

"Aujourd’hui, le président est poussé à la démission (. . . ) mais pour l’instant, les militaires essaient seulement de gérer le quotidien", explique la source proche du dossier.

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