Sortie de l’iPhone 16 : Apple mis en cause en République démocratique du Congo
L’annonce de la sortie du nouveau modèle de smartphone a provoqué une vague de réactions en RDC, où la firme américaine est accusée de participer à alimenter le conflit dans les provinces de l’Est. Des appels au boycott se multiplient alors qu’Apple a présenté son nouveau smartphone lors d’une keynote le 9 septembre.
C’est un « buzz » dont la firme californienne Apple se serait bien passée, à la veille de la sortie mondiale du nouvel iPhone 16. Depuis plusieurs jours, les réseaux sociaux congolais s’enflamment, reprochant au géant américain la provenance des minerais utilisés dans ses smartphones, en particulier le cobalt, mais aussi le tantale, l’étain et le tungstène. « La fabrication de ce produit, parmi d’autres, est la cause d’un génocide pour des gains économiques, et d’une exploitation massive de l’Est de la République démocratique du Congo », écrit Team Congo, une coalition d’associations et de militants de la société civile, dans un appel au boycott diffusé sur X (ex-Twitter). « Le cobalt utilisé dans ces appareils provient de mines où prévalent des conditions de travail illégales et inhumaines », ajoute le collectif.
« Peu importe les qualités de l’iPhone 16, il ne vaut pas le prix des vies perdues au Congo », lit-on dans l’un des très nombreux messages relayant ces appels au boycott de la marque à la pomme. Sous ces posts, illustrés d’images des conditions de travail dans des mines de l’Est du Congo, les hashtags #iPhone16, #CongoIsBleeding ou encore #FreeCongo font florès. Dans le contexte de la guerre qui fait rage dans la région entre les Forces armées de la RDC et leurs supplétifs – les Wazalendos – et les rebelles du M23, soutenus par Kigali, une partie de la twittosphère congolaise n’hésite pas à attaquer au passage le Rwanda.
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Pour l’heure, le géant américain n’a pas réagi à ces attaques sur les réseaux sociaux. Mais ce n’est pas la première fois que l’entreprise dirigée par Tim Cook est la cible de telles critiques. En avril dernier, les autorités congolaises ont même décidé de porter l’affaire devant la justice, choisissant de cibler l’entreprise en France et aux États-Unis. Deux avocats français, William Bourdon et Vincent Brengarth, ont, au nom du gouvernement congolais, adressé une mise en demeure à deux filiales d’Apple en France. Dans ce courrier, l’État congolais accusait Apple d’utiliser des minerais provenant de « mines congolaises » dans lesquelles « de nombreux droits humains sont violés ». « Après leur extraction illégale, ces minerais sont importés par contrebande au Rwanda, où ils sont intégrés dans les chaînes d’approvisionnement mondiales », accusait alors Kinshasa.
La missive « n’a reçu qu’une réponse formelle, en réalité, une fin de non-recevoir », a rapporté Me William Bourdon à Jeune Afrique. L’avocat, qui affirme que « les discussions continuent avec le gouvernement congolais », assure que « de nouvelles procédures vont être engagées d’ici à la fin de l’année ».
Quelques jours après le déclenchement de la procédure, le président congolais, Félix Tshisekedi, réitérait ces accusations en marge d’une visite officielle à Paris. Lors d’un discours prononcé au Collège des Bernardins, à l’occasion de la présentation de son livre « Pour un Congo retrouvé », Félix Tshisekedi avait alors dénoncé « les velléités prédatrices et expansionnistes exprimées par certaines puissances étrangères », pointant, sans le nommer, le Rwanda. « C’est pour le pillage de nos ressources et non pour la défense d’une minorité que certains de nos voisins s’adonnent à ces violations », avait-il notamment déclaré.
Washington « préoccupé »
En juillet dernier, le Département d’État américain a, à son tour, exprimé ses inquiétudes. Les États-Unis se sont dits « préoccupés par le rôle que le commerce et l’exploitation illicites de certains minerais, particulièrement l’or et le tantale extraits de manière artisanale et semi-industrielle dans la région des Grands Lacs africains, continuent de jouer dans le financement du conflit dans l’est de la RDC ». S’appuyant sur les conclusions du Groupe d’experts des Nations unies et de la Monusco, l’administration Biden affirmaient que « dans de nombreux cas, ces minerais profitent directement ou indirectement à des groupes armés et quittent le pays [la RDC] en passant par le Rwanda et l’Ouganda avant d’être acheminés vers les principaux pays de raffinage et de transformation ».
Depuis de nombreuses années, des ONG dénoncent les conditions de travail qui prévalent dans les mines de cobalt et de coltan dans l’est de la RDC. C’est aussi un « scandale géologique », qui prend sans cesse plus d’ampleur à mesure que la demande mondiale pour ces minerais indispensables au marché de la tech explose : d’ici à 2030, le marché des batteries rechargeables va croître de 400 %. Sans coltan et sans cobalt, impossible, pour l’heure, de produire ces si précieuses batteries qui équipent smartphones, ordinateurs ou voitures. Or, la RDC détient dans son sous-sol la quasi-totalité des réserves mondiales connues de ces minerais. Pour mieux comprendre les dessous de ce complexe écosystème, (re) découvrez l’infographie que Jeune Afrique publiait sur le sujet en juillet 2021 en fin de cet article.
Difficile transparence
Des efforts importants ont été réalisés, ces dernières années, pour tenter de juguler l’ampleur de ces nouveaux « minerais de sang ». Plusieurs pays se sont dotés de législation supposée garantir la transparence de la provenance des minerais, mais la traçabilité reste difficile à assurer.
Les acteurs privés tentent également de répondre à la demande croissante de transparence en mettant en place des organismes supposés améliorer la transparence et la traçabilité. C’est, notamment, le cas de l’Initiative de la chaîne d’approvisionnement de l’étain (ITSCI). Crée en 2009 par l’Association internationale de l’étain et le Centre international d’étude du tantale et niobium (TIC), ce « programme multipartite qui contribue à une meilleure gouvernance, aux droits de l’homme et à la stabilité » délivre des certifications, sur lesquelles s’appuie, notamment, Apple et ses fournisseurs.
Mais, jugeait l’ONG Global Witness dans un rapport publié en mai 2022, « avec ses effectifs limités et l’insuffisance de ses contrôles, ITSCI ne dissuade pas le blanchiment de minerais mené par les exploitants et les négociants ».
L’ISCI a également été interpellée par le Groupe d’experts des Nations unies sur le Congo qui, dans son rapport de juin dernier, s’inquiétait d’ »incohérences » dans la production déclarée de certaines mines. Dans un long courrier de réponse, l’ITSCI avait, de son côté, insisté sur la « nécessité d’un devoir de diligence de la part des entreprises ». L’organisme avait alors pris soin de préciser : « Le gouvernement rwandais affirme que les exportations de coltan du Rwanda ont connu une augmentation sans précédent de 50 % entre 2022 et 2023. Ce chiffre ne reflète pas les exportations de coltan enregistrées par ITSCI, qui ont augmenté de 25 %. »
Si Apple concentre, ces derniers jours, l’essentiel des critiques, la majeure partie des fabricants de smartphones (comme Samsung, actuel numéro un mondial des ventes) sont, peu ou prou, confrontés à des problématiques exactement identiques. L’entreprise chinoise Huawei, qui a répondu à la sortie de l’iPhone 16 par l’annonce de la sortie d’un téléphone « pliable en trois » présenté comme révolutionnaire, n’a, pour l’heure, pas encore été indexée par les internautes congolais.
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