Retour aux sources pour le sommet de la Francophonie
Pour la première fois depuis 1991, la France accueille un sommet de l’OIF, les 4 et 5 octobre. Développement des échanges économiques, accroissement de l’influence diplomatique, examen du cas des pays temporairement exclus… Le programme s’annonce chargé.
Après les célébrations en mondovision du 80e anniversaire des débarquements alliés (en juin), la réussite des Jeux olympiques (juillet-août) et paralympiques (août-septembre), et avant la réouverture au public de Notre-Dame de Paris (décembre), la France s’apprête à célébrer une autre de ses « fiertés », pour reprendre l’expression de son président, Emmanuel Macron : l’universalité de sa langue.
Pour la première fois depuis trente-trois ans, la France sera en effet l’hôte du sommet de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Un peu plus de quatre-vingts chefs d’État et de gouvernement, dont une vingtaine d’Africains, participeront, avec leurs délégations, à cette 19ᵉ édition, qui se déroulera, les 4 et 5 octobre entre Paris et Villers-Cotterêts – ville natale de l’écrivain Alexandre Dumas, située dans l’Aisne, à une centaine de kilomètres de Paris.
Du château de Villers-Cotterêts au Grand Palais
Jamais avare de symboles, et comme s’il voulait voir perdurer, le temps d’un week-end, cet esprit olympique qui transporta la France pendant quelques semaines, Emmanuel Macron a choisi de convier l’Histoire et de mettre en avant certains des lieux les plus emblématiques de la capitale pour cette courte séquence qui s’annonce intense.
La journée inaugurale a lieu au château de Villers-Cotterêts. Ce monument, rénové, abrite la Cité internationale de la langue française, inaugurée le 30 octobre 2023, un an après qu’Emmanuel Macron en avait annoncé la création, au sommet Afrique-France de Montpellier. C’est donc dans la cour d’honneur de « ce port d’attache à la mesure de notre langue commune » – dixit le président – que les chefs d’État et de gouvernement étrangers seront officiellement accueillis. Leur première séance de travail se tiendra dans la salle aux lambris vernissés où François Iᵉʳ signa, en 1539, l’ordonnance qui fit du français la langue officielle de son royaume.
Le lendemain, ils se retrouveront, cette fois à Paris, sous les poutrelles métalliques du Grand Palais. Le matin, ils participeront aux séances plénières consacrées au thème officiel du sommet : « Créer, innover et entreprendre en français » ; l’après-midi, ils se réuniront à huis clos pour aborder les sujets politiques.
Plusieurs événements sont organisés parallèlement. Du 2 au 6 octobre, un Village de la Francophonie ouvrira ses portes au sein de l’espace culturel du Centquatre, dans l’Est parisien. Aux mêmes dates, le festival de la Francophonie déploiera sa programmation artistique dans une trentaine de sites que gère le Centre des monuments nationaux, à l’intérieur comme à l’extérieur de la capitale française.
Burkina, Mali et Niger absents
Le volet économique, à la Station F, prendra un format inédit : au Forum économique francophone (FEF), que, depuis 2014, l’OIF organise à l’occasion de chacun de ses sommets, succédera le Salon FrancoTech, placé sous le haut patronage du ministère des Affaires étrangères du pays hôte, avec l’appui de Business France et le partenariat de l’Alliance des patronats francophones (APF).
Pas sûr, néanmoins, que les chefs d’État et de gouvernement de l’espace francophone auront le temps de profiter de ces festivités tant leur agenda paraît chargé.
Deux ans après le sommet de Djerba, en Tunisie (novembre 2022), les crises politiques se sont multipliées au sein de la troisième communauté linguistique du monde. La situation en Haïti s’est encore aggravée, tout comme les tensions entre la RDC et le Rwanda. Alors que le régime tunisien se durcit, Kaïs Saïed, le chef de l’État, pourrait décider de « sécher » la passation de pouvoirs de la présidence du sommet entre son pays et la France pour éviter d’éventuelles remontrances de ses pairs, d’autant que se déroulera simultanément le premier tour d’une élection présidentielle qui semble jouée d’avance.
Enfin, la position de la France semble sérieusement fragilisée en Afrique de l’Ouest. Dans un climat antifrançais de plus en plus pesant, l’Alliance des États du Sahel (AES), qui regroupe le Burkina Faso, le Mali et le Niger, a vu le jour en septembre 2023. Ces trois pays « historiques » de la Francophonie ne seront pas présents au sommet de Paris, puisque l’OIF les a suspendus.
L’efficacité de Louise Mushikiwabo
L’institution a néanmoins levé ses sanctions contre la Guinée, réintégrée au sein de l’organisation en septembre. Des sanctions que les autorités du Gabon, venues plaider leur cause au siège parisien de l’OIF au lendemain du coup d’État d’août 2023, avaient su éviter. Le président de la transition, Brice Oligui Nguema, a d’ailleurs confirmé sa présence. Une bonne nouvelle pour Louise Mushikiwabo, la secrétaire générale de l’OIF, qui devrait également accueillir à Villers-Cotterêts le Rwandais Paul Kagame et le Congolais Félix Tshisekedi, malgré le différend qui oppose les deux voisins dans l’est de la RDC.
Figureront également sur la photo de famille les représentants des cinq membres admis cette année à l’OIF : deux pays, l’Angola et le Chili, ainsi que trois régions, la Sarre (Allemagne), la Polynésie française et la Nouvelle-Écosse (Canada). Une première depuis le sommet d’Erevan, en 2018, qui « confirme l’attrait retrouvé de l’institution », se réjouit Louise Mushikiwabo. Réélue à Djerba pour un deuxième mandat de quatre ans, la Rwandaise profitera de ce rendez-vous parisien pour présenter son bilan à mi-parcours. Et, en particulier, les nombreux changements organisationnels et financiers qu’elle a engagés au cours de ses six années passées à la tête de l’OIF et qu’elle entend consolider d’ici à la fin de son mandat, en 2026.
Au cours du huis clos du 5 octobre, la secrétaire générale fera également porter les débats sur la réforme du système multilatéral. N’a-t-elle pas réussi à faire de l’OIF un acteur dont la voix porte sur la scène diplomatique internationale ? Et cela, avec l’aval des chefs d’État et de gouvernement des pays membres, à commencer par celui d’Emmanuel Macron, qui a récemment salué le travail que Louise Mushikiwabo et ses équipes ont réalisé « pour renouveler l’institution » et lui permettre « d’embrasser les défis [qui se poseront à elle] dans les années à venir ».
Un satisfecit dont pourrait se prévaloir l’intéressée lors du prochain sommet (qui devrait se tenir à Phnom Penh, au Cambodge) si, dans deux ans et à l’instar du Sénégalais Abdou Diouf, lui prenait l’envie de solliciter un troisième mandat.
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