Migration au Maroc : voir Ceuta et mourir

Les scènes de centaines de jeunes, parfois mineurs, tentant de passer la frontière au Nord du Maroc rappellent combien, malgré les nombreuses avancées du royaume dans différents domaines, une partie de la population n’a plus foi en l’avenir.

Des migrants tentent de franchir la frontière terrestre avec l’enclave africaine espagnole de Ceuta, près de Fnideq, dans le nord du Maroc, le 15 septembre 2024. © AFP

Des migrants tentent de franchir la frontière terrestre avec l’enclave africaine espagnole de Ceuta, près de Fnideq, dans le nord du Maroc, le 15 septembre 2024. © AFP

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Publié le 19 septembre 2024 Lecture : 3 minutes.

Comment ne pas être submergé de tristesse en regardant les images de ces centaines de Marocains tentant de passer la frontière vers Ceuta le week-end du 15 septembre ? Comment se convaincre que le train du développement est en marche devant ces scènes désespérantes où l’on voit des hordes de candidats à la migration, pour certains tout juste sortis de l’enfance, se jeter à la mer à Fnideq ou Belyounech ?

Complexe question de la jeunesse

Comment ne pas sombrer dans la colère contre l’État et le gouvernement Akhannouch, qui reste impassible et ne prend même pas la peine de communiquer, de parler au peuple et encore moins aux jeunes, de reconnaître leur souffrance, les difficultés, de leur dire « Vous existez, on vous entend, vous méritez de vivre  » ? Pourtant, au-delà de ces drames aux frontières devenus récurrents, nombreux sont les rapports alertant sur la situation des jeunes et la nécessité d’agir… De celui remis par la Commission sur le modèle de développement de Chakib Benmoussa, à celui du HCP (Haut commissariat au Plan) d’Ahmed Lahlimi, en passant par celui établi par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) d’Ahmed Reda Chami, le constat est le même.

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Le roi lui-même a parlé du sujet comme d’une priorité. Car ce ne sont pas seulement les NEET (Not in Employment, Education or Training), ces jeunes sans emploi, sans éducation ni formation qui sont concernés mais aussi les ingénieurs, les médecins, les sportifs, les infirmiers… Tous veulent quitter « le plus beau pays du monde » (appellation donnée au Maroc dans les brochures de l’Office national du Tourisme), un phénomène qu’essaient de juguler les stratégies successives de lutte contre la fuite des cerveaux.

Située à l’intersection de plusieurs problématiques – éducation, formation professionnelle, culture, insertion professionnelle, vie de quartier, sport, croissance, création d’emplois durables, égalité des chances… -, la question des jeunes est loin d’être simple. Mais elle est primordiale.

Une seule idée en tête : partir

Comment peut-on imaginer un jour être pris au sérieux et considéré comme une puissance à l’échelle régionale, si la majorité de la jeunesse est prise dans une spirale d’échec en raison du dysfonctionnement de l’ascenseur social, et n’a qu’une idée en tête : partir ? A-t-on déjà vu de jeunes Français, Anglais ou Coréens faire la même chose face à la crise ou aux difficultés financières ? Alors qu’au Maroc, les jeunes sont prêts à tout pour quitter le pays. Qu’importe le prix, ils sont prêts à braver les barbelés, les chiens des garde-côtes, la mer déchaînée, la police, la mafia des passeurs… Á jouer à pile ou face avec la mort, à donner leur corps s’il le faut… Mais partir, aller en Europe.

Ces jeunes que l’on a vus à Ceuta, et les centaines d’autres qui ont essayé de les rejoindre depuis Casablanca, Salé, Kénitra, parfois en marchant à pied vers Fnideq, ne sont pourtant pas suicidaires : ils sont au contraire pleins de vie et de rêves. Simplement, la fragilité sociale pour les uns, l’absence d’égalité des chances ou d’équité pour les autres, que ce soit dans l’accès à l’éducation ou plus tard dans le monde professionnel, font qu’ils ne croient pas qu’ils pourront les réaliser chez eux. Ils choisissent donc de poursuivre un rêve européen, qui n’est en réalité qu’une chimère. Un mirage. Surtout pour les NEET qui n’ont ni diplômes ni qualifications.

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Assurer un avenir meilleur à sa jeunesse est une mission régalienne de l’État. Des efforts énormes sont certes fournis au niveau de l’investissement public, la réforme de l’éducation, la formation professionnelle, le développement du sport…

Mais le phénomène ne cesse de s’aggraver, comme en témoignent les chiffres fournis par les institutions de prospection marocaines, au sujet des NEET notamment. Comment arrêter l’hémorragie, redonner espoir à sa jeunesse, créer un rêve marocain plus séduisant que le mirage européen : voilà un objectif digne d’être mis au rang de priorité nationale. Pourvu que le gouvernement en poste, dit de compétences, le reconnaisse, parle à ces jeunes, oublie les prochaines échéances électorales qui le hantent et se mette au travail.

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