Attaques à Bamako : les limites de la méthode Coué
Au Mali, les informations sur les deux attaques simultanées qui ont eu lieu ce mardi à Bamako sont distillées avec une extrême parcimonie. Cette stratégie de communication des autorités ne surprend plus, même si certains posts sur les supports numériques officiels semblent lunaires.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 19 septembre 2024 Lecture : 2 minutes.
Il y a des timings cruels. Dimanche 15 septembre au soir, en prélude au premier anniversaire de la fédération de l’Alliance des États du Sahel (AES), le président malien Assimi Goïta – président en exercice de l’AES – vantait ce qu’il présentait comme les « éclatantes victoires sur le terrain » des forces de défense et de sécurité des trois pays, aujourd’hui dirigés par des militaires. On ne sait pas si le champagne a coulé à flots, ce 16 septembre, tandis que l’on célébrait « l’affaiblissement considérable » des groupes terroristes, mais le lendemain aura eu un parfum de gueule de bois.
Mardi, les « affaiblis » ont frappé Bamako, une première depuis des années. Affiliés à Al-Qaïda, les jihadistes du JNIM revendiqueront deux attaques simultanées sur l’école de gendarmerie de Faladié, dans le nord de la ville, et à la base aérienne 101, qui jouxte l’aéroport international Modibo-Keïta.
À chaud, les Maliens inquiets ne trouveront guère d’informations officielles sur cette situation sécuritaire. Alors que la double attaque terroriste avait débuté dès l’aube, colonnes de fumées visibles et détonations retentissantes, le site officiel de la présidence du Mali, koulouba.ml, diffusait, le soir même, les photographies d’une audience accordée par le président de la transition à « une délégation ministérielle » de l’AES. Et les hôtes d’exprimer leur « satisfaction » depuis la signature de la Charte du Liptako-Gourma, et leur « solidarité » avec les victimes des récentes inondations.
Se taire pour ne pas décourager les forces combattantes…
Plus lunaire encore, la page Facebook de la primature du Mali donnait l’impression que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. À 16 h 37, un post annonçait que le Premier ministre, le ministre de la Refondation de l’État, chargé des Relations avec les institutions, et celui de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie hôtelière et du Tourisme avaient consacré une partie de leur mardi à recevoir un chauffeur de taxi honnête. L’homme avait restitué un sac oublié, dans son véhicule, par la sélection de football du Malawi en séjour à Bamako.
Dans les trois pays du Sahel confrontés au terrorisme, la grande muette a propulsé son surnom au rang de stratégie. Pour ne pas décourager les forces combattantes et ne pas faire de publicité aux attentats, la communication publique se fait a minima. Mais dans certains cas, la poussière ne peut être entièrement dissimulée sous le tapis. Il en est ainsi des agressions de grande ampleur et/ou commises dans des zones dans lesquelles étouffer l’information semble dérisoire.
À propos de ce sanglant mardi bamakois, l’état-major des armées du Mali sera obligé de s’exprimer, reconnaissant dans la soirée « quelques pertes en vies humaines », sans plus de détails circonstanciés, notamment sur les événements de l’aéroport. Après que le mot « déjoué » a été jugé trop optimisme pour être accolé à des attaques qui se sont effectivement déroulées, le terme « repoussé » sera employé. Dans un communiqué lu à la télévision nationale, les autorités sécuritaires déclareront que « la situation a rapidement été maîtrisée », que « tous les sites sont sous contrôle » et que « le ratissage de la zone se poursuit ». Une vingtaine de prisonniers seront exhibés, les mains liées et les yeux bandés.
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