En Guinée, des narcotrafiquants avouent tout, le soir, à la télévision

Les Guinéens n’en reviennent pas de voir, le soir, à la télévision d’Etat, les militaires putschistes diriger eux-mêmes les interrogatoires de présumés trafiquants de drogue: mercredi, c’était au tour d’un fils du défunt président Conté d’avouer ses « pêchés » au journal télévisé.

Publié le 26 février 2009 Lecture : 2 minutes.

Ces aveux mis en scène font d’autant plus sensation qu’ils sont faits par des proches de Lansana Conté, qui régna sans partage sur la Guinée de 1984 jusqu’à sa mort, le 22 décembre.

La junte qui a pris le pouvoir au lendemain de son décès mène actuellement une opération « mains propres » ultra-médiatisée.

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Et le capitaine Moussa Dadis Camara, nouveau « président » autoproclamé de la Guinée, qui ne manquait jamais de rendre un hommage appuyé à Lansana Conté, s’attaque à présent à certains membres de la famille de feu le président.

Deux de ses fils, Ousmane et Ansou, ont ainsi été arrêtés ces derniers jours.

Dès le lendemain de son interpellation, Ousmane Conté, commandant dans l’armée guinéenne, a été exhibé mercredi soir au journal télévisé, étrangement installé sur un lit d’hôpital, sous perfusion.

« Je reconnais être impliqué dans le trafic de drogue en Guinée », a-t-il dit. « C’est vrai, aujourd’hui, je suis dans cette affaire de drogue, je le reconnais, mais je n’en suis pas le parrain », a ajouté le quadragénaire.

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Le nom d’Ousmane Conté avait été cité en août 2008 dans une affaire qui avait fait grand bruit: celle de l’atterrissage à Boké (300 km au nord de Conakry) d’un petit avion transportant de la cocaïne, en provenance de Bissau, dont la cargaison n’avait pu être saisie.

A Conakry, ces émissions suscitent curiosité, passion et trouble.

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Car le fait que les militaires endossent systématiquement le rôle de procureurs publics commence à créer un malaise, dans un pays placé sous régime d’exception.

« Pourvu que cela ne conduise pas à des règlements de comptes politiques », s’inquiète Thierno Mâadjou Sow, président de l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’Homme (OGDH), interrogé par l’AFP.

Pour Souleymane Diallo, directeur du groupe de presse Le lynx – La lance et président de l’Observatoire guinéen de la déontologie et de l’éthique des médias (Oguidem), l’attitude du chef de la junte pose problème.

« De toutes les façons, lui et Ousmane (Conté, mis en cause, ndlr) sont des amis. Maintenant, qu’il veuille se démarquer de la famille présidentielle, on le comprend, mais son show médiatique ne sied pas au droit », dit-il.

Lundi soir, c’est le propre frère de l’ex-Première Dame Henriette Conté, Saturnin Bangoura, qui avait avoué à la télévision être impliqué avec des « amis colombiens » dans le trafic de drogue.

M. Bangoura avait déclaré avoir assisté à l’atterrissage de nuit du petit avion à Boké, expliquant que ses « amis » avaient débarqué une importante quantité de drogue, en présence de plusieurs militaires, avant de la stocker chez lui. Il avait même affirmé avoir reçu 13. 000 dollars, 15. 000 euros et un véhicule 4X4 pour cette opération.

Le chef de la junte en personne questionnait M. Bangoura et d’autres accusés, comme au tribunal.

Au nom de l’Oguidem, M. Diallo conteste ces procédés: « pour aucune raison, il (le capitaine Camara, ndlr) ne doit s’ériger en juge, encore moins en procureur, parce que le dernier recours, c’est lui ». « Si lui s’érige en juge, qui va gracier? », interroge-t-il.

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