Gabon : un ado rasé pour crime de lèse-Oligui
Dans la province d’Etimboué, un élève de troisième a été mis en garde à vue pour avoir manqué de respect à l’image du président de la transition gabonaise. Sur les réseaux sociaux, les réactions sont partagées sur la sévérité de la sentence.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 27 septembre 2024 Lecture : 2 minutes.
Une autorité qui se sent bafouée par une effronterie adolescente gagne-t-elle à mobiliser la Grosse Bertha de la répression, au risque de participer au caractère viral du présumé caprice ? Brice Clotaire Oligui Nguema est-il friand du culte de la personnalité ou les sempiternels entourages des présidents putschistes ont-ils, une fois de plus, fait preuve de zèle, cette fois au Gabon ? Le 23 septembre dernier, un mineur de 15 ans, élève en classe de troisième, se fait filmer en plein crime de lèse-majesté. Sydney Moussavou Kouma esquisse des pas de danse, s’empare d’un tee-shirt à l’effigie du président de la transition gabonaise et mime une scène de toilette où le vêtement lui sert de papier hygiénique.
Simple blague de mauvais goût, qui désole même les contempteurs les plus résolus du régime gabonais ? Le miroir grossissant des réseaux sociaux rend la vidéo virale et les forces de l’ordre entrent en action. Le jeune homme est interpellé par la Direction générale des recherches (DGR), se voit octroyer une coupe de cheveux anarchique et se retrouve en garde à vue. Les autorités locales n’excluent pas un placement sous mandat de dépôt.
Un spectacle ampoulé
Manifestement échaudé, Sydney Moussavou Kouma apparaît dans une vidéo où il présente des excuses, reconnait son erreur et exprime des regrets. L’affaire aurait pu se limiter à tirer publiquement les oreilles de l’impudent, mais la sphère politique aime offrir un spectacle ampoulé.
Sans que cela n’ait le moindre rapport avec la bêtise adolescente, il se trouve que le jeune homme est le petit-fils du préfet du département d’Etimboué. Entrant dans la danse de la contrition, Junior Boulikou s’adresse à son tour à la caméra, en sa double qualité de parent et de responsable politique de la zone où l’affront a eu lieu. Il demande pardon au chef de l’État pour l’acte « fâcheux » posé par son petit-fils et s’engage à tout faire pour que de telles situations ne se reproduisent plus.
Comme à l’accoutumée, les réseaux sociaux s’enflamment, charriant des réactions allant de l’amusement à la bienveillance envers les bêtises de jeunesse en passant par l’indignation des redresseurs de tort. Ces derniers évoquent un « affront » envers des « symboles de l’État », particulièrement graves « dans une période fragile ». D’autres regrettent une garde à vue disproportionnée et un excès d’humiliation publique.
Le « Gabon nouveau »
Avec le temps, les politologues décrypteront le « Gabon nouveau » qui se met en place, au moment où le pays peine à rassembler autour d’un projet de Constitution. En ce qui concerne le goût éventuel du général de brigade Oligui Nguema pour le culte de son image, les Gabonais se souviennent des présents de naissance qu’un émissaire du président avait remis à un nouveau-né, en février dernier. Ce bébé de la province de la Nyanga avait reçu un trousseau et une enveloppe de 5 millions de francs CFA (un peu plus de 7 600 euros) simplement parce qu’il avait le mérite d’avoir été baptisé « Brice Clotaire Oligui ».
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