Le Parlement tunisien révise la loi électorale juste avant la présidentielle
Lors de la session parlementaire de ce 27 septembre a été adopté un projet d’amendement de la loi électorale contesté par la société civile, qui dénonce un « changement des règles du jeu » à quelques jours du scrutin du 6 octobre, où le président Kaïs Saïed brigue un nouveau mandat.
Le Parlement tunisien a adopté, ce vendredi 27 septembre, un projet de révision de la loi électorale contesté par la société civile. Cet amendement permet à l’instance en charge de la surveillance du scrutin, proche du président Kaïs Saïed, d’avoir le dernier mot sur la validation des candidats investis pour la présidentielle du 6 octobre.
Citant un « conflit » entre la justice administrative et l’autorité électorale Isie, plus d’un tiers des députés avaient présenté un texte à voter « en urgence » pour retirer au tribunal administratif la prérogative d’arbitrer les contentieux électoraux et la confier à la Cour d’appel. Le texte a été adopté par 116 voix pour, 12 voix contre et 8 abstentions.
« 116 députés élus avec 11 % de participation [au printemps 2023], un record mondial d’abstention, ont transféré le contentieux électoral du tribunal administratif à une justice aux ordres à une semaine du vote. Jamais la Tunisie n’a connu une mascarade comme celle-ci même avant 2011″, a réagi le commentateur politique Hatem Nafti sur X.
Fin août, le tribunal administratif réuni en appel avait réintégré dans la course présidentielle, à la surprise générale, trois candidats exclus d’une liste préliminaire par l’Isie le 10 août et considérés comme les rivaux les plus sérieux du président Saïed. Il s’agissait de Mondher Zenaïdi, ex-ministre du régime Ben Ali, d’Abdellatif Mekki, un ancien dirigeant du mouvement islamo-conservateur Ennahdha, et d’Imed Daïmi, un conseiller de l’ex-président Moncef Marzouki, proche d’Ennahdha.
« Assassinat de la démocratie »
Le 2 septembre, l’Isie a publié une liste « définitive », qui exclut complètement ces candidats, mais plusieurs d’entre eux ont déposé de nouveaux recours administratifs qui auraient pu invalider la présidentielle. Pour le scrutin, l’Isie n’a accepté que trois candidatures : celles de Kaïs Saïed, 66 ans, de Zouhair Maghzaoui, 59 ans, un ancien député de la gauche panarabe, et d’Ayachi Zammel, 43 ans, un industriel peu connu à la tête d’un petit parti libéral.
Ayachi Zammel, en détention depuis début septembre, a écopé le 26 septembre d’une peine de six mois de prison s’ajoutant à une précédente condamnation à vingt mois pour des accusations de falsification de parrainages. Des ONG tunisiennes et internationales et la centrale syndicale UGTT ont critiqué une autorité électorale Isie « ayant perdu son indépendance », un processus « faussé en faveur de Kaïs Saïed » et « une absence des conditions indispensables pour des élections démocratiques, pluralistes, transparentes et intègres ».
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Le président sortant, élu démocratiquement en 2019, est accusé par ses détracteurs d’avoir fait régresser les droits et libertés en Tunisie depuis un coup de force à l’été 2021 par lequel il s’est emparé des pleins pouvoirs. Pendant la séance au Parlement, le député indépendant Bilel Mechri a diffusé des enregistrements de Kaïs Saïed qui, en 2019, avait dénoncé tout amendement de la loi électorale avant un scrutin comme « tuant la démocratie ». Un autre député indépendant, Hichem Hosni, a qualifié le projet de loi d’« inconstitutionnel », estimant qu’il ne ferait « que renforcer la crise ».
Au début de la session parlementaire, plusieurs dizaines de manifestants ont protesté aux cris de « Liberté, liberté » ou « dégage, dégage » adressés à Kaïs Saïed. « Des lois révisées en pleine élection en faveur de Kaïs Saïed = assassinat de la démocratie », clamait une pancarte. Un manifestant, Wissam Sghaier, porte-parole du parti Al Jomhouri (centriste) a dénoncé un changement « des règles du jeu dans les derniers mètres » avant le scrutin. « C’est un crime politique qui ne fait que confirmer l’abus et la répression » dans le pays, a-t-il estimé.
(avec AFP)
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