À l’ONU, le climax diplomatique de l’AES

Sans surprise, les représentants de la Confédération de l’Alliance des États du Sahel ont profité de la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies pour se congratuler mutuellement et mettre à l’index leurs ennemis putatifs dans la lutte antiterroriste.

© Damien Glez

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Publié le 1 octobre 2024 Lecture : 3 minutes.

Pour tout diplomate qui se respecte, aussi anti-occidental et ONU-sceptique soit-il, une session de l’Assemblée générale des Nations unies a toujours un parfum de panache. Le vertige est sans aucun doute agrémenté d’une dose particulière d’adrénaline, lorsqu’un orateur se classe dans la catégorie des non-alignés aux « murs porteurs » de l’organisation. Ces derniers jours à New York, les représentants des pays néosouverainistes sahéliens se devaient donc de rivaliser d’esprit de contradiction, voire de propos grinçants. C’était la condition pour enflammer les réseaux sociaux et recevoir, de retour au pays, un accueil digne d’un médaillé olympique.

Devant le mythique mur vert marbré, les amateurs de castagne guettaient la verve impertinente des régimes issus de coups d’État, même si les putschistes en chef n’avaient pas fait le déplacement. Au siège de l’ONU, le Burkina Faso a été représenté par son ministre des Affaires étrangères, de la Coopération régionale et des Burkinabè de l’extérieur, Karamoko Jean-Marie Traoré ; le Niger par son ministre des Affaires étrangères, de la Coopération et des Nigériens à l’extérieur, Bakary Yaou Sangaré ; et le Mali par son ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation et porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maïga.

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Comme lors d’un concert au Carnegie Hall, chacun a interprété ses plus grands « tubes » sur la mélodie d’éléments de langage connus, mashup de mots comme « souveraineté », « impérialisme », « aide avilissante », « politique de deux poids, deux mesures » et « partenariat gagnant-gagnant ». Au-delà des discours déjà entendus, en particulier sur la question de la réforme du Conseil de sécurité, chaque observateur guettait le name-dropping des mis à l’index du jour.

Si le Burkinabè est paru plus évasif et feutré que son collègue Bassolma Bazié à la précédente Assemblée générale, le Nigérien n’a pas manqué de condamner les actions jugées subversives d’une France qui violerait des conventions internationales en offrant l’asile à des terroristes, dans ses emprises diplomatiques, et « le soutien revendiqué par l’Ukraine à la coalition terroriste qui a attaqué la localité de Tinzawaten au Mali ». Le Malien a frappé les esprits en s’en prenant, vertement, à l’Algérie. Dans le langage fleuri qu’on lui connaît, le colonel Maïga a affirmé que son voisin du Nord offrait « le gîte et le couvert certainement avec de succulents plats de tchouktchouka et de chorba à des terroristes et des renégats en débandade », et qu’il jouait un « rôle d’estafette désorientée ».

Les trois représentants du Sahel nouveau se sont rejoints pour affirmer que leurs pays respectifs rendraient désormais coup pour coup.

L’international à usage national

Aussi grisant que soit un discours aux Nations unies, les plans de coupe des captations vidéo sont souvent cruels. À voir le nombre de délégations absentes à certaines allocutions et les visages assoupis de certains participants, il apparaît clairement que les « plénières » ne sont guère pleines. Même sans appel au boycott, tout le monde n’assiste pas aux discours de tout le monde.

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Finalement, le showcase new-yorkais, largement diffusé par les médias publics nationaux, n’est-il pas essentiellement destiné à un usage interne, comme en témoignent les commentaires sur les réseaux sociaux ? « Mon Faso au triomphe des Nations unies ! » s’enflamme ainsi le Burkinabè Abdoul Kader sur le site du Service d’information du gouvernement, juste avant qu’un apprenti-marabout promette une « multiplication d’argent efficace en 15 minutes » pour celui qui contacterait un numéro de portable béninois.

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