En Tunisie, Kaïs Saïed donné vainqueur à l’élection présidentielle à plus de 89 %

Selon des sondages sortis des urnes, le président sortant aurait remporté l’élection présidentielle avec plus de 89 % des voix. Un scrutin marqué par une très faible participation.

Des partisans du président tunisien célèbrent, sur l’avenue Habib-Bourguiba à Tunis, la victoire annoncée de Kaïs Saïed à l’élection présidentielle, après les premières estimations sorties des urnes, le 6 octobre 2024. © Yassine Mahjoub / AFP

Des partisans du président tunisien célèbrent, sur l’avenue Habib-Bourguiba à Tunis, la victoire annoncée de Kaïs Saïed à l’élection présidentielle, après les premières estimations sorties des urnes, le 6 octobre 2024. © Yassine Mahjoub / AFP

Publié le 7 octobre 2024 Lecture : 3 minutes.

Le chef de l’État sortant en Tunisie, Kaïs Saïed, accusé de « dérive autoritaire » par l’opposition et la société civile, a remporté dimanche avec plus de 89 % des voix la présidentielle, marquée par une très faible participation, selon des sondages sortis des urnes.

D’après les résultats de l’institut Sigma Conseil, diffusés à la télévision nationale, Kaïs Saïed a obtenu 89,2 % des suffrages dès le premier tour, écrasant le deuxième candidat, Ayachi Zammel, 47 ans, un industriel libéral qui n’a obtenu que 6,9 % des voix. Le troisième, le député de la gauche panarabe Zouhair Maghzaoui, 59 ans, s’est adjugé 3,9 % des suffrages. Des résultats officiels préliminaires sont attendus lundi après-midi.

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Plus faible participation depuis 2011

La participation s’est établie à 27,7 % contre 45 % il y a cinq ans au premier tour, selon l’autorité électorale Isie. Son président, Farouk Bouasker, a jugé ce taux « respectable », alors que c’est le plus faible pour un premier tour de scrutin présidentiel depuis le renversement du dictateur Ben Ali en 2011, dans ce pays qui fut le berceau des soulèvements démocratiques des Printemps arabes.

Seuls Ayachi Zammel et Zouhair Maghzaoui – des seconds couteaux selon les experts – avaient été autorisés à affronter Kaïs Saïed, 66 ans, sur initialement 17 postulants, écartés par l’Isie pour des irrégularités présumées. L’opposition, dont les figures de proue sont en prison, et les ONG tunisiennes et étrangères, ont critiqué un scrutin « faussé en faveur de Kaïs Saïed ».

Ayachi Zammel, inconnu du grand public, n’a pas pu faire campagne, car emprisonné depuis début septembre et condamné à trois reprises à plus de quatorze ans de prison pour des soupçons de faux parrainages.

M. Maghzaoui était considéré comme « un faire-valoir » car porteur d’un projet de gauche souverainiste similaire à celui de Kaïs Saïed qu’il soutenait jusqu’à récemment.

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« Une légitimité entachée »

« La légitimité de l’élection est forcément entachée quand les candidats qui pouvaient faire de l’ombre à Kaïs Saïed ont été systématiquement écartés », a commenté l’analyste politique tunisien Hatem Nafti. Le processus de sélection des candidatures avait été très contesté pour le nombre élevé de parrainages exigés, l’emprisonnement de candidats potentiels connus, et l’éviction par l’Isie des rivaux les plus solides du président, dont Mondher Zenaidi, un ancien ministre de Ben Ali.

Pour l’expert français du Maghreb, Pierre Vermeren, même si avec une abstention aussi forte, « la légitimité démocratique » de l’élection est « faible », « la Tunisie a un président et la majorité des Tunisiens laissent faire ». Il a noté des analogies avec l’Algérie voisine, « où personne ne remet en cause le président Abdelmadjid Tebboune ».

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Après l’annonce des sondages, environ 400 partisans du président sont sortis fêter sa victoire, brandissant des drapeaux devant le théâtre municipal au centre de Tunis, en scandant « le peuple veut Kaïs de nouveau ».

Un groupe a entonné avec entrain l’hymne national. Oumayma Dhouib, 25 ans, s’est dite « très contente » de la victoire de « Kaisoun », un surnom affectueux. La jeune femme a assuré être « convaincue par ses idées et sa politique », comme sa mère Khadija, 52 ans, qui lui « fait confiance ».

L’annonce d’un durcissement ?

Kaïs Saïed, élu en 2019 avec près de 73 % des voix (et 58 % de participation), était encore populaire quand ce spécialiste de droit constitutionnel à l’image d’incorruptible s’est emparé des pleins pouvoirs à l’été 2021, promettant l’ordre face à l’instabilité politique.

Trois ans plus tard, beaucoup de Tunisiens lui reprochent d’avoir consacré trop d’énergie à régler ses comptes avec ses opposants, en particulier le parti islamo-conservateur Ennahdha, dominant pendant la décennie de démocratie ayant suivi le renversement du dictateur Ben Ali. Selon l’analyste Hatem Nafti, Kaïs Saïed « a perdu près d’1 million de voix » par rapport à 2019.

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D’après Hatem Nafti, cette nouvelle victoire électorale peut annoncer un durcissement ultérieur du pouvoir à l’égard des voix critiques, car Kaïs Saïed pourra « faire valoir son sacre pour justifier la répression ».

Prenant la parole dimanche soir dans son quartier général de campagne, le président réélu a déclaré, sur un ton martial, vouloir « poursuivre la Révolution de 2011 » et bâtir « un pays nettoyé des corrompus et des complots ». « La Tunisie restera libre et indépendante et n’acceptera jamais l’ingérence étrangère », a-t-il ajouté.

(Avec AFP)

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