Au Mali, la mystérieuse et éphémère disparition du Grammy d’Ali Farka Touré
Après s’être volatilisé, un Grammy Award remporté par le musicien malien a été retrouvé, sans que le grand public ne soit informé des circonstances de l’affaire. L’émotion soulevée suggère néanmoins une meilleure sécurisation des trophées.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 7 octobre 2024 Lecture : 2 minutes.
L’épilogue de cette affaire est aussi mystérieux que son introduction. Il y a quelques jours, le fils de feu le musicien malien Ali Farka Touré annonçait que, de retour de voyage, il avait découvert la disparition d’un Grammy Award – du nom de la récompense de la prestigieuse National Academy of Recording Arts and Sciences américaine – de son père. Dans une vidéo en forme d’appel à l’aide, Vieux Farka Touré avait suscité une émotion virale. Le trophée concerné vient pourtant d’être retrouvé en bon état, quelques jours plus tard…
Décédé en 2006, Ali Farka Touré avait obtenu plusieurs « Grammys ». Le trophée évaporé puis retrouvé récemment concernait l’album In the Heart of the Moon, une œuvre d’autant plus chargée d’émotion, en cet automne 2024, qu’il s’agissait d’une collaboration avec Toumani Diabaté, malien lui aussi, mort le 19 juillet dernier. Cet album consacrait la reconnaissance internationale de Touré, grâce à une subtile fusion entre les sonorités traditionnelles maliennes et le blues international.
La malédiction des trophées
La vidéo de Vieux Farka Touré aura donc provoqué la mobilisation indignée de tous, des fans aux autorités locales, sans que l’on sache si le trophée avait bien quitté le domicile familial, ni qui, dans ce cas, l’avait dérobé. Cette disparition fait écho à celle du Carrosse d’or obtenu, en 2023, par Souleymane Cissé au festival de Cannes. Quelques mois après avoir reçu la récompense, le cinéaste malien avait, lui aussi, annoncé le vol de sa distinction, avant de la retrouver mystérieusement, une semaine plus tard, légèrement abîmée…
Erreur des propriétaires ? Mauvaises blagues ? Impossibilité, pour des voleurs, de revendre des objets si personnalisés et médiatisés ? Saura-t-on un jour le fin mot de ces deux histoires ? Toujours est-il qu’au-delà de la valeur matérielle très relative de ces objets, ceux-ci sont considérés comme des « trésors nationaux » qu’il conviendrait de conserver dans de meilleures conditions, en les confiant éventuellement à des musées sécurisés. Cette option permettrait aux Maliens de les voir, même si ce sont les créations qui leur sont attachées qui sont les chefs-d’œuvre à revisiter.
Nommé cinq fois aux Grammy Awards et lauréat trois fois, Ali Farka Touré n’a pas seulement démontré la place prestigieuse de la musique africaine dans l’industrie musicale mondiale. Il incarnait aussi l’importance des sonorités maliennes dans la création internationale actuelle et passée. Le musicien était d’ailleurs l’un des protagonistes les plus en vue du documentaire du cinéaste américain Martin Scorsese, Du Mali au Mississippi (Feel Like Going Home).
Diffusé en 2003, le film était le premier épisode de la série The Blues, qui reconstituait les racines de la musique noire anglo-saxonne ancrées au Sahel. Des influences et des parentés sont identifiables dans les œuvres de légendes américaines comme John Lee Hooker ou Muddy Waters. C’est dans cette logique que la cérémonie des Grammy Awards inaugurait, en 2022, une distinction qui entend promouvoir spécifiquement « les enregistrements qui utilisent des expressions locales uniques provenant de l’ensemble du continent africain ». Les Sud-Africains Wouter Kellerman et Tyla ont déjà obtenu cette récompense.
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