Véhicules électriques : la souveraineté de l’Afrique au bout du chemin
Partout dans le monde, y compris en Afrique, l’électrification des modes de transport est en bonne voie. Avec un triple intérêt : protéger l’environnement, réaliser des économies et accéder à l’indépendance énergétique.
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Léo Poupineau
Senior Associate chez Okan Partners, société de conseil en stratégie et en finance qui se consacre à l’Afrique
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et Kaushik Burman
CEO et directeur du conseil d’administration de Spiro, leader de la mobilité électrique en Afrique
Publié le 8 octobre 2024 Lecture : 3 minutes.
Cotonou, 9 heures. Fémi, chauffeur de zemidjan (taxi-moto, en dialecte local), attend que le feu du boulevard de la Marina passe au vert. Au démarrage, pas de fumée, pas de bruit. Il conduit l’une des 7 500 motos électriques qui sillonnent la ville, loin de l’image de cimetière pour véhicules d’occasion souvent associée au continent. En Afrique, l’électrification des transports se concrétise. Selon le cabinet international de conseil en stratégie McKinsey, les deux-roues électriques pourraient représenter 50% à 65% des ventes sur des marchés phares, tels que le Nigeria ou le Kenya, d’ici à 2040.
Un « mix » énergétique relativement propre
Au-delà de son intérêt environnemental, cette transition répond à un impératif de pouvoir d’achat et de souveraineté énergétique. Bien que le prix d’achat des véhicules électriques reste, dans la plupart des cas, plus élevé que celui des modèles thermiques, le coût d’utilisation des premiers se révèle, pour les consommateurs, plus avantageux que celui des seconds, grâce aux économies en carburant et en maintenance qui sont réalisées.
Sur le plan macroéconomique, les économies africaines restent largement dépendantes des importations de carburant (107 milliards de dollars en 2023, selon les données de ITC Trademap). Non seulement cette dépendance pèse sur les balances commerciales, mais elle affecte les finances publiques par le biais des subventions sur les prix à la pompe, dont nombre d’États africains ne parviennent pas à se défaire. L’électrification permettrait aux États de renforcer leur souveraineté énergétique, alors que le « mix » de l’Afrique subsaharienne est déjà relativement propre (47% d’énergies renouvelables, hors Afrique du Sud).*
Pour mener à bien cette révolution, les intéressés doivent garder en tête quelques grands principes. L’expansion des véhicules électriques est source d’économies pour les utilisateurs. Outre l’aspect environnemental, le prix demeure un facteur décisif lorsqu’on arbitre entre modèle thermique et modèle électrique. Cet argument a d’ailleurs été déterminant dans l’ascension fulgurante de Spiro, le leader de la mobilité électrique en Afrique, qui a déjà déployé plus de 18 000 deux-roues et plus de 400 stations d’échange de batteries. Les clients, pour la plupart des motos-taxis, ont été conquis par le modèle du swapping, qui permet d’échanger une batterie vide contre une batterie pleine en l’espace de quelques secondes.
Un modèle : l’Inde
Sans infrastructure de recharge et sans réseau électrique fiable, la transition ne pourra avoir lieu. L’introduction du net-metering, qui permet aux producteurs d’électricité décentralisés de bénéficier de l’énergie qu’ils injectent dans le réseau en continu, et à des tarifs avantageux, est déterminante pour les acteurs du secteur.
Il est tout aussi crucial de bâtir des écosystèmes de production locaux et intégrés. Si la Chine détient 85% de la capacité mondiale de production de cellules de batteries, le continent africain doit pouvoir tirer profit de ses minéraux (cobalt en RDC, manganèse au Gabon et en Afrique du Sud, phosphate au Maroc) en les transformant localement. Des lignes de production de véhicules doivent être développées afin de répondre aux besoins des marchés locaux.
Les États doivent, en outre, créer des cadres juridiques et fiscaux adaptés. Ils pourraient s’inspirer des politiques adoptées en Inde. Dans les grandes villes de ce pays, le taux d’adoption des véhicules électriques atteint 10% grâce aux subventions accordées pour tout achat de ce type de véhicules grâce aux programmes FAME I & II (Faster Adoption and Manufacturing of Electric Vehicles) et à une série de mesures incitatives, qui soutiennent la production locale.
Si l’électrification prend du temps, aux États-Unis et en Europe, c’est parce qu’elle se réalise avant tout « par le haut », avec des modèles qui s’adressent surtout à une clientèle de privilégiés. Les économies africaines, elles, n’ont d’autre choix que d’électrifier leur flotte « par le bas », avec des modèles abordables et déployables à grande échelle. Le continent pourrait ainsi devenir une référence mondiale en matière de mobilité électrique, en exportant non seulement des batteries fabriquées localement, mais aussi son modèle d’électrification de masse.
* Source : Irena.
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