Prix du billet vs souveraineté : la difficile équation du transport aérien en Afrique
Le président du conseil d’administration d’Afrijet rappelle que sans venir à bout de quelques façons de faire tenaces, le prix du billet restera une entrave à la souveraineté aérienne des pays africains.
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Marc Gaffajoli - Président du conseil d'administration d'Afrijet
Administrateur d’Afrijet
Publié le 12 octobre 2024 Lecture : 3 minutes.
Aérien : les aéroports africains décollent-ils ?
Sur le continent africain, une équation résume à elle seule les enjeux du transport aérien : celle du prix du billet. Toujours décrié et pourtant toujours aussi élevé, le prix cantonne le réseau aérien à un produit haut de gamme alors que, plus qu’ailleurs encore, il aurait vocation à devenir le système sanguin des économies africaines.
Réalité du marché
Quatre facteurs entravent les objectifs des gouvernements à disposer d’une compagnie nationale et par conséquent, à avoir la main sur le coût de la mobilité aérienne : le poids du segment premium dans la rentabilité du secteur, le manque de transparence des prix, la politique de financement des aéroports et enfin, l’éparpillement des ressources dans la recherche d’une souveraineté aérienne.
Considérons d’abord cette réalité du marché : les passagers des industries d’extraction sont une manne importante, sinon essentielle, dans tous les États africains disposant de ressources naturelles. Au regard des enjeux économiques du secteur, les entreprises clientes sont relativement peu sensibles à l’envolée des prix, préférant ne pas courir le risque d’une dégradation de la sécurité aérienne, des horaires ou de la qualité de service. Les compagnies doivent faire avec ce marché clivant où la valeur est concentrée sur ces flux et où elles doivent justifier des écarts de prix entre « haute contribution » et « basse contribution ».
Des voyagistes banquiers
Par ailleurs, l’absence de transparence sur la formation du prix est indubitablement le facteur le plus pénalisant car le plus insidieux. Les agences de voyage peuvent en toute impunité, faute de réglementation, décider du prix de vente réel payé par le consommateur, se servir dans les classes tarifaires les plus basses du stock des opérateurs pour les revendre au plus haut, ou exercer illégalement la profession de banquier en offrant des paiements différés. Captant une part majoritaire de la distribution, elles pèsent sur toutes les politiques du transport aérien et sont les premiers fournisseurs de voyage des administrations qui conçoivent ces politiques.
Partout ailleurs sur la planète ces pratiques sont révolues, les agences sont passées en commission « zéro » et sont tenues d’afficher leur rémunération. Le retard du continent en matière de transport aérien est avant tout un retard dans la mise en place effective d’une réglementation des agents de voyage.
Vision court-termiste
Loin d’équilibrer ces logiques de marché, les politiques publiques en matière d’aviation les aggravent. Le pire des schémas est celui du financement des infrastructures aéroportuaires. Confiés au secteur privé, qui a réinventé le modèle du péage, ils sont levés auprès du secteur bancaire, sur le fondement de nouvelles taxes et redevances passagers, surenchérissant les taxes existantes, pour des durées souvent indéterminées. Ce modèle transforme, sans contrepartie, les compagnies aériennes en recettes des impôts, censées collecter à leur frais puis ventiler ces nombreux subsides, qui en Afrique, dépasse souvent les 40 % du prix du billet.
Pour garder le contrôle des flux de taxes et redevances, les mêmes acteurs s’auto-proclament exploitants d’aéroport, sans maîtriser les subtilités de l’exercice et surtout, sans développer les services à valeur ajoutée que les passagers africains sont en droit d’attendre. Cette vision court-termiste handicape le transport aérien continental en niant un principe fondamental : la hausse du prix fragilise la demande. Elle pousse les compagnies à miser sur les segments du marché qui sont les moins sensibles à une augmentation. Dans une logique inverse, en Europe, ce sont les aéroports qui ont subventionné la croissance des low cost, concentrant sur trois flottes près de 1 500 appareils et transformant des pays comme l’Irlande, l’Autriche ou la Hongrie en puissances aériennes.
Vieille lecture
Enfin, quatrième obstacle à l’élaboration d’une véritable politique des prix : la perpétuation d’une lecture géopolitique Nord/Sud qui veut que le prix des vols intercontinentaux soit perçu comme une taxe « étrangère ». En s’épuisant dans cette compétition dépassée, les vecteurs aériens nationaux oublient les fondamentaux de gestion et les rapports de force concurrentiels. Ils dispersent leurs ressources alors que le développement des réseaux domestiques et régionaux est une étape préalable incontournable et un avantage concurrentiel sur les compagnies du Nord.
Du reste, il n’y a qu’une seule manière de réduire le prix des billets d’avion, tout en préservant la capacité d’autofinancement des compagnies aériennes africaines : réduire les coûts et les taxes qui le composent. Tout autre stratégie conduira inévitablement à l’effondrement du château de cartes. Un transport aérien sain est un transport aérien capable de se financer avec des prix abordables au plus grand nombre. Les États doivent lever tout handicap, empêchant une baisse des prix. Faute de quoi, l’algèbre restera l’épreuve du réel de toute politique de transport aérien.
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