Le dollar zimbabwéen évincé par le billet vert américain
Après les opérateurs de téléphonie, les écoles et les restaurants, même le journal officiel du Zimbabwe a fini par céder face à la dévaluation vertigineuse de la monnaie nationale: il se vend désormais pour un dollar américain.
Tout un symbole dans cette économie dévorée par l’hyperinflation et dont la dernière poche de résistance, l’Etat, est en train de capituler face à la dollarisation de son économie.
Le gouvernement a même proposé jeudi au Parlement un budget en dollars américains d’un montant d’1,9 milliard USD (66,5 milliards de milliards de dollars zimbabwéens), ce qui officialiserait de facto le recours à une monnaie déjà utilisée dans tout le pays.
Si le budget était adopté, les fonctionnaires toucheraient un salaire en monnaie locale avec une allocation en devises étrangères. Frais de scolarité, consultations à l’hôpital, prix de l’électricité ou de l’essence seraient en dollars américains, une mesure réclamée depuis longtemps par les Zimbabwéens face à une inflation chiffrée en milliards de pour cent par les analystes.
Et jeudi, le gouvernement zimbabwéen a autorisé l’utilisation dans les transactions commerciales de monnaies étrangères, dont le dollar américain, l’euro ou encore la livre sterling, en plus de la monnaie locale.
Il y a quatre mois déjà, la Banque centrale avait autorisé certains commerçants à facturer leurs échanges en devises étrangères et, rapidement, de grands pans de l’économie s’étaient engouffrés dans la brèche.
Car les prix en dollars zimbabwéens changent tous les jours et nombre d’employés n’arrivent plus à payer le ticket de bus pour se rendre à leur travail.
Pour le secrétaire général de la confédération syndicale, Gideon Shoko, le salaire des employés, y compris des fonctionnaires, doit être versé en devises étrangères car "tout le monde veut être payé en monnaie étrangère, même les vendeurs de rues".
La "dollarisation" des salaires laisserait espérer une reprise des activités dans les hôpitaux ou encore dans les écoles, dont une grande majorité n’a pu faire sa rentrée mardi en raison d’une grève des enseignants, qui réclament d’être payés en billets verts.
Un enseignant touche chaque mois 26. 000 milliards de dollars zimbabwéens, une somme ridicule qui permet d’acheter à peine deux miches de pain.
Mais pour l’analyste Anthony Hawkins, le passage aux devises "ne va pas tout résoudre". "Tout le monde n’a pas de monnaie étrangère. L’unique solution pour mettre fin à la crise dans ce pays est politique", estime ce professeur d’économie à l’université du Zimbabwe.
Le semi-échec d’un énième sommet de l’Afrique australe lundi pour tenter de trouver un terrain d’entente entre pouvoir et opposition, à la suite de la défaite du régime aux élections générales de mars 2008, ne laisse pas présager d’un avenir meilleur à court terme.
L’économie zimbabwéenne, longtemps un modèle de développement pour la région, est en chute libre depuis une dizaine d’années, en raison de politiques économiques hasardeuses et d’un usage abusif de la planche à billets selon l’opposition.
La production est au point mort, 94% de la population est au chômage, l’espérance de vie est tombée à 36 ans, près de sept millions de personnes dépendent d’une aide alimentaire, et une épidémie de choléra, qui a déjà fait plus de 3. 000 morts, continue de se propager.
Le président Robert Mugabe a accusé l’Occident d’être responsable de cette situation en imposant des sanctions, pourtant limitées aux proches du chef de l’Etat. Régulièrement, il fustige Américains et Britanniques, "puissances impérialistes", accusés de vouloir recoloniser le Zimbabwe.
Et l’ancien héros de l’indépendance jure de défendre la souveraineté du pays. L’un de ses attributs, la monnaie nationale, est pourtant vaincue.
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