Pauvreté : la croissance ne suffira pas
Le nouveau rapport de l’organisation britannique Development Initiatives, « Investir pour éradiquer la pauvreté », souligne que la croissance ne suffira pas pour éradiquer l’extrême pauvreté d’ici à 2030 et pointe du doigt les insuffisances statistiques.
Présenté cette semaine à New York à l’Assemblée Générale des Nations Unies, le rapport « Investir pour éradiquer la pauvreté » de l’ONG Development Intitiatives, basée au Royaume-Uni, risque de faire grand bruit. Analysant la situation des pays en développement et de l’Aide publique au développement (APD) qui leur est destinée, le rapport estime que s’il est possible d’éradiquer l’extrême pauvreté à l’horizon 2030, ce sera seulement sous la condition de réussir à améliorer de façon significative le recensement des populations pauvres et l’identification des ressources disponibles.
La croissance économique ne suffira pas
Le rapport estime aussi que si la croissance économique sera essentielle pour réduire la pauvreté, elle ne pourra pas à elle seule – car pas suffisamment rapide et inclusive – pour éradiquer l’extrême pauvreté
d’ici à 2013. Cette observation concerne essentiellement les pays d’Afrique subsaharienne, alors que les spécialistes se montrent plus optimistes quant aux pays asiatiques, comme l’Inde où le revenu quotidien moyen s’établit à 0,96 dollar par jour, mais où beaucoup de personnes ne sont pas loin du seuil critique, 1,25 dollar par jour. D’après le scénario de référence, l’Afrique subsaharienne, où le revenu moyen des plus pauvres est resté quasi-inchangé depuis 30 ans, pourrait être le foyer de 275 millions de personnes vivant dans l’extrême pauvreté en 2030 (soit 80 % du total).
En Afrique, le revenu moyen des plus pauvres est resté quasi-inchangé depuis 30 ans
Au Burkina Faso et en Ouganda, où le revenu quotidien moyen est respectivement de 0,84 et 0,87 dollar, le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté pourrait diminuer de manière significative, surtout en Ouganda où les perspectives de croissance sont élevées. En revanche, au Malawi, la consommation moyenne s’établit à 0,70 dollar par jour, soit un peu plus que la moitié du seuil de pauvreté, ce qui, combiné à une faible croissance, pourrait faire augmenter l’extrême pauvreté de 5 millions de personnes d’ici à 2030. Ces conclusions sont fondées sur des scénarios réalistes, insiste le rapport. Une croissance plus faible, distribuée de manière plus inégale, pourrait faire augmenter le nombre de pauvres dans tous les pays cités ci-dessus.
Une aide indispensable mais des doutes statistiques
L’Aide publique au développement est essentielle puisqu’elle est la seule source internationale officielle explicitement destinée au développement économique et au bien-être des pays en développement, mais elle doit intervenir pour compléter d’autres sources comme l’investissement privé et les dépenses de l’État.
Les pays les plus pauvres font face à de fortes contraintes budgétaires, alors que les faibles dépenses gouvernementales et la pauvreté vont de pair. Selon le rapport, 82 % des personnes les plus pauvres vivent dans des pays où les dépenses gouvernementales ne dépassent pas 1 000 dollars (en parité de pouvoir d’achat) par personne et par an, contre 15 025 dollars dans les pays membres du Comité d’assistance au développement (DAC) de l’OCDE.
L’Afrique subsaharienne reçoit la plus grande part de l’APD (35 %) au niveau mondial. L’Asie centrale et du Sud reçoit 17 %. Treize des vingt plus grands bénéficiaires de l’APD sont des pays de l’Afrique subsaharienne. D’une manière générale, les flux internationaux vers les pays en développement ont plus que doublé depuis 2000 pour atteindre 2 100 milliards de dollars en 2011, estime-t-on dans le rapport. Mais les ressources quittent aussi les pays en développement. Sur les 472 milliards d’investissements directs étrangers vers les pays en développement, 420 milliards ont été rapatriés sous forme de bénéfices.
Le montant communiqué par les donateurs est bien plus élevé que le montant que les gouvernements des pays en développement disent avoir reçu
Le rapport « Investir pour éradiquer la pauvreté » insiste sur l’insuffisance et le manque de transparence des données, et ainsi que sur la nécessité d’améliorer la méthode de collecte de l’information. Des données de meilleure qualité permettraient de définir des priorités pour l’APD.
Par ailleurs, les pays en développement ne reçoivent pas toujours l’aide promise. Le montant communiqué par les donateurs est bien plus élevé que le montant que les gouvernements des pays en développement disent avoir reçu. Par exemple, en Ouganda, l’aide rapportée par les pays de l’OCDE est supérieure à l’aide enregistrée comme perçue par l’État (1,6 milliard de dollars contre 0,8 milliard pour l’année 2011).
Les différentes méthodes de collecte de données et l’utilisation de différentes sources peuvent changer les estimations du nombre de personnes pauvres de quelque centaines de millions. Les données dont disposent les acteurs du développement sont aggrégées et ne permettent pas de prendre en compte les populations les plus pauvres, selon le rapport. Au Nigeria, par exemple, les chiffres officiels indiquent un taux de pauvreté multidimensionnel (santé, éducation et niveau de vie) moyen d’environ 55 %, alors qu’il s’élève à près de 85 % pour les régions les plus reculées du pays.
L'éco du jour.
Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Économie & Entreprises
- La Côte d’Ivoire, plus gros importateur de vin d’Afrique et cible des producteurs ...
- Au Maroc, l’UM6P se voit déjà en MIT
- Aérien : pourquoi se déplacer en Afrique coûte-t-il si cher ?
- Côte d’Ivoire : pour booster ses réseaux de transports, Abidjan a un plan
- La stratégie de Teyliom pour redessiner Abidjan