Rues et monuments nigériens : haro sur les patronymes français
À Niamey, dans la foulée de la rupture politique avec l’ancien colon français, l’avenue Charles de Gaulle, la place de la Francophonie ou encore le monument Parfait-Louis Monteil ont été débaptisés.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 16 octobre 2024 Lecture : 2 minutes.
Ce 15 octobre, l’Afrique panafricaniste célébrait la mémoire de son « Che », Thomas Isidore Noël Sankara, assassiné il y a précisément 37 ans. À Niamey était inaugurée une plaque à l’effigie du capitaine burkinabè. On devrait plutôt parler de « ré-inauguration », le lieu étant dédié depuis des décennies au commandant et explorateur français Parfait-Louis Monteil. Le nouvel élan de glorification de celui qui débaptisa la Haute-Volta faisait partie d’une entreprise plus vaste qui se déroule à l’intérieur de la capitale nigérienne.
Charles de Gaulle remercié
Plusieurs responsables du régime ont ainsi présidé des cérémonies de changement d’appellation de lieux jugés trop référencés dans la mémoire coloniale. Exit l’avenue Charles de Gaulle remplacée par l’avenue Djibo Bakary, du nom de cette figure historique nigérienne qui milita pour l’indépendance dès le XIXe siècle. Le général de Gaulle avait déjà perdu son hommage permanent, à Ouagadougou, au profit, justement, de Thomas Sankara.
Depuis ce même 15 octobre au Niger, un monument dédié aux morts des deux guerres mondiales s’appelle désormais « Bubandey Batama » : en djerma, la formule « à nos morts » brise la focalisation sur les conflits d’Europe pour rendre plus largement hommage à toutes les victimes civiles et militaires depuis la colonisation. Ailleurs, la place de la Francophonie est renommée place de l’Alliance des États du Sahel (AES). Le Niger, le Mali et le Burkina Faso ont été suspendus par les instances de l’organisation francophone.
Les ancêtres d’abord
Sur un ton solennel porté par un orchestre militaire, le ministre nigérien de la Jeunesse et porte-parole du régime, le colonel-major Abdramane Amadou, a souhaité que les avenues, les boulevards, les rues ne fassent plus référence à des patronymes « qui rappellent tout simplement les souffrances et les brimades subies par notre peuple durant l’épreuve de la colonisation ». « Honneur à nos ancêtres » est le nouveau leitmotiv du gouverneur de Niamey, le général de brigade Assoumane Abdou Harouna.
Les changements de noms d’espaces publics nigériens sont le prolongement naturel de la rupture du régime avec la France. Depuis le coup d’État contre Mohamed Bazoum, les militaires français engagés dans la lutte antijihadiste ont été priés de plier bagage, de même que l’ambassadeur Sylvain Itté. Dans la logique du bras de fer toponymique, le Centre culturel franco-nigérien porte désormais le nom de Moustapha Alassane, un cinéaste nigérien.
Nouvelles idoles ?
Les opérations de « rebaptêmes » ne concernent pas seulement les pays de l’AES. Au Sénégal qui tente aussi de réaffirmer sa souveraineté à l’égard de la France, le nom du colon français Louis Faidherbe a disparu d’une place de Saint-Louis et d’une avenue de Dakar.
Même si les changements de nom entendent valoriser les références culturelles locales, le média russe Sputnik annonçait pourtant, en septembre dernier, que des communes nigériennes envisageaient de renommer certains de leurs espaces publics en l’honneur de Vladimir Poutine.
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