Laurent Gbagbo : 2 milliards à Chirac parce qu’il les avait « demandés »
Dans une interview à Alain Foka, l’ancien président ivoirien confirme qu’il avait offert 3 millions d’euros (2 milliards de F CFA) en liquide à Jacques Chirac, sans convaincre sur la justification du don.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 18 octobre 2024 Lecture : 3 minutes.
Il est des scènes dont le surréalisme ne réside pas dans le caractère époustouflant d’une révélation. Depuis la publication du livre Ils savent que je sais tout et l’intervention de son auteur, Robert Bourgi, sur la chaîne de télévision France 24, des wagons d’anecdotes plus ou moins inédites dépeignent à nouveau les ressorts de la Françafrique. Entre l’évocation de sommes d’argent indues mirobolantes et la description de procédures de Pieds nickelés, l’évocation d’une volonté du président français d’alors, Nicolas Sarkozy, de « vitrifier » un Laurent Gbagbo en pleine crise post-électorale fait les choux gras des réseaux néosouverainistes. Le premier Ivoirien concerné vient d’avoir l’occasion d’y revenir.
Alors qu’il souhaite prendre sa revanche à la présidentielle de l’année prochaine, le « Christ de Mama » était l’invité exclusif de la chaîne AFO Média, du patron de médias Alain Foka. Avec sa bonhomie habituelle, l’ancien président a peut-être moins mesuré sa manière de présenter certains mouvements de fonds délictueux que la pratique elle-même. Dans la vidéo de l’entretien, porté par l’évocation de ses bisbilles avec Sarkozy, Gbagbo revient sur les relations souvent jugées « incestueuses » de la France et des pays africains classés dans un traditionnel pré carré.
Légèreté dans le souvenir
Qu’il ait donné, à une certaine époque, 3 millions d’euros à l’ancien chef de l’État français Jacques Chirac pour financer sa campagne électorale ne lui semble pas un scoop. À l’écran, Gbagbo tente une conversion dilettante en francs CFA – comme si 2 milliards de monnaie locale étaient un détail –, avant de rechercher la page de son livre Pour la vérité et la justice où se trouvait déjà cette révélation, passée étonnamment inaperçue, selon lui. Au-delà de l’éventuelle prescription du don, l’homme politique ivoirien ne semble pas comprendre ce qui fait écarquiller les yeux de son intervieweur. Donner autant d’argent à un candidable français revenait-il à « acheter la paix avec Paris », comme le suggère Alain Foka ?
Sur les raisons qui expliquent le transfert monétaire, l’ancien président répond laconiquement « parce qu’ils m’ont demandé ». « Mais vous ne donnez pas à tous ceux qui vous le demandent », rétorque Foka. « Ah non, mais écoute… C’est Chirac », répond Gbagbo, tout en ajoutant que « ce n’est pas une question de peur ». Et l’interviewé de faire part de son « étonnement » de voir le chef de l’État français lui « demander de l’argent ». Comme un autre président – africain cette fois – aurait été coutumier d’une telle requête, Gbagbo affirme qu’il a donné l’argent « sans… sans… » Il ne finit pas phrase.
Hilare dans l’évocation d’un coup de téléphone de Chirac expliquant qu’il « saura se souvenir » du geste en liquide, Laurent Gbagbo omet surtout de préciser où il avait puisé ces milliards. Comme il apparaît peu probable que la fortune personnelle de Laurent Gbagbo ne soit pas à deux milliards près, s’agissait-il de fonds provenant de l’État ivoirien ? Autre question : Laurent Gbagbo réalise-t-il que, en évoquant ce type de souvenirs, il occupe le rôle de corrupteur présumé ?
Comme à son habitude, après un éclat de rire, l’ancien chef d’État ivoirien semble trouver cocasse « l’ingratitude » d’une France qui aurait ensuite monté une rébellion contre lui. Toujours absent des listes électorales à un an de la présidentielle ivoirienne, Laurent Gbagbo n’est pas sûr de pouvoir être candidat en 2025. S’il l’était, il devrait expliquer comment il entend dépenser les milliards de francs CFA de l’État ivoirien.
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