Leaders d’ONG écroués au Gabon: « scandaleux » pour les ONG, « complot » pour Libreville
La détention de cinq Gabonais, dont deux leaders d’ONG et un journaliste, pour « propagande » après avoir réclamé des comptes sur la gestion financière de leur pays, a été jugée « scandaleuse » par des ONG alors que Libreville a affirmé faire face à un « complot ».
"C’est scandaleux. (. . . ) La détention de ce confrère (journaliste) entre dans le cadre d’une stratégie d’intimidation de la presse par le régime du plus ancien dirigeant africain", a estimé le Comité pour la protection des journalistes (CPJ).
Deux ONG – Sherpa et Transparence International – ont également dénoncé vendredi à Paris un "coup de force" de Libreville qui a empêché l’avocat français Thierry Lévy de se rendre au Gabon pour défendre les prévenus. L’avocat a appris à l’aéroport de Roissy que son visa avait été annulé.
"Libreville a innové. Ce que les dictatures militaires n’ont pas osé faire en Amérique latine, Libreville l’a fait. C’est une méthode expéditive contre les droits de la défense", se sont indignées les deux ONG à l’origine d’une plainte déposée le 2 décembre à Paris, visant notamment le président gabonais Omar Bongo.
La plainte, susceptible de donner lieu à l’ouverture d’une enquête judiciaire, vise outre M. Bongo, les présidents congolais Denis Sassou Nguesso et équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema, accusés de posséder en France des biens immobiliers financés par de l’argent public détourné.
Au Gabon, le ministre de l’Intérieur, André Mba Obame, a vigoureusement défendu son pays, assurant que les droits des prévenus y étaient "respectés". Le Gabon est "victime d’une tentative de déstabilisation par des organisations étrangères (. . . ), l’ordre public et la sécurité de notre pays étant en cause", a-t-il ajouté.
Selon lui, les ONG cherchent à "provoquer un soulèvement au Gabon. (. . . ) Pour provoquer ce mouvement de contestation, ces ONG ont recruté des citoyens gabonais (. . . ) qui ont organisé des réunions secrètes (. . . ). Ces rencontres visaient à préparer le terrain avant la publication d’une lettre ouverte adressée" à M. Bongo.
Cette missive "aux termes durs, empreints de diffamation, devait servir de détonateur au soulèvement recherché", a-t-il déclaré.
Pour lui, "les faits tombent sous le coup du Code pénal gabonais: tentative d’incitation à la révolte contre le chef de l’Etat, réception de fonds étrangers en vue d’une opération visant à déstabiliser les institutions du pays, complot pour attentat, incitation à la désobéissance civile, détention de documents compromettants".
Quant à l’annulation du visa, M. Mba Obame a assuré que le dossier de Me Lévy était simplement "incomplet". "Une demande de visa ne peut pas seulement comporter un certificat de vaccination contre la fièvre jaune. Pas d’ordre de mission, pas d’invitation, pas de réservation d’hôtel. . . ", a-t-il ironisé.
Il a prévenu que les services consulaires pourraient réétudier la demande de Me Lévy mais à condition qu’il "reconnaisse que son dossier n’était pas complet".
Me Lévy "n’a jamais dit qu’il venait défendre les personnes mises en examen. Il a fallu qu’il le dise à la radio, pour qu’on le sache. Donc, il ne peut pas dire qu’on lui a refusé (le visa) parce qu’il s’agissait de ça. Regardez: +Motif du voyage: Voyage professionnel+", a encore ajouté le ministre, exhibant la demande de visa aux journalistes.
Fin décembre, deux importantes figures de la société civile, Marc Ona et Georges Mpaga, ont été interpellées en même temps que Gregory Ngbwa Mintsa, un Gabonais associé à la plainte des ONG françaises.
Deux journalistes, Gaston Asséko (radio catholique privée Sainte-Marie) et Dieudonné Koungou (bimensuel privé Tendance Gabon) ont également été arrêtés.
Mercredi, après sept jours de garde à vue, MM. Ona, Mpaga, Mintsa, Asséko et un gendarme ont été écroués. Seul M. Koungou a été laissé en liberté provisoire.
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