La guerre a parfois des allures de safari tragique

Au coeur de l’ancien « domaine naturel de chasse de Rutshuru », dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), la guerre a parfois des allures de safari tragique.

Publié le 9 janvier 2009 Lecture : 3 minutes.

La "zone neutre" qui sépare rebelles de Laurent Nkunda et miliciens Maï-Maï pro-gouvernementaux, près de Rwindi, dans la province du Nord-Kivu, s’étend sur près de 40 km au coeur de la partie la plus giboyeuse du parc naturel des Virunga.

Dans ce jardin d’Eden devenu no man’s land, des troupeaux d’antilopes et de buffles broutent nonchalamment l’herbe verdoyante d’une immense plaine de savane.

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Les rares camionnettes chargées de bois ou de charbon qui s’aventurent ici slaloment entre les crottes d’éléphants sur la piste défoncée, avec en toile de fond les hautes montagnes du Masisi.

En périphérie nord de Kiwanja (80 km au nord de Goma), la rébellion a installé ses dernières positions autour d’une station pillée de l’Institut congolais de la nature (ICCN), qui servait encore récemment d’observatoire pour les pachydermes.

Plus au nord, au delà d’un pont de fer rouillé enjambant la rivière Rutshuru, commence la "zone neutre", royaume des grands animaux, et zone d’infiltration des combattants Maï-Maï et rebelles hutu rwandais.

Des familles de babouins ont pris possession des positions abandonnées des FARDC (armée congolaise), cahutes d’herbes séchées ou postes de guet écroulés. Désertée de toute présence humaine, la route défoncée s’étire entre les hautes herbes jusqu’à "l’hôtel de la Rwindi".

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Autrefois joyau du tourisme de luxe, où le maréchal Mobutu aimait à inviter ses hôtes à la chasse au lion, les paillotes sont en ruines, dans la puanteur d’excréments de chauve-souris qui ont colonisé les soupentes. Treillis souillés et rangers délacées jonchent le domaine: les soldats de l’armée régulière ont abandonné les lieux dans la précipitation.

"Ne vous écartez pas du chemin, écoutez votre guide": les panneaux d’orientation du parc ont retrouvé toute leur signification, alors que pullulent une multitude de groupes armés plus ou moins identifiés.

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Sortie de nulle part, une moto pétaradante arrive au loin. Un gamin, visiblement sous l’emprise du chanvre, en descend péniblement, une kalachnikov à la main. Rien de grave, le "capitaine Kakato" ne veut que quelques francs congolais ou "une tige" (cigarette).

Au détour d’un virage, des miliciens dépenaillés mais armés jusqu’aux dents attendent les rares véhicules. L’un tient une sagaie à la main, un autre arbore fièrement une fourrure de singe sur la tête: "nous sommes les combattants patriotes!".

Bienvenue en territoire Maï-Maï. Le visiteur est aspergé d’une infecte eau croupie, "potion anti-balles qui protège pendant sept jours", selon le féticheur du groupe.

"Pour la paix ou pour reprendre le combat, nous sommes prêts", lance le chef, Pascal Kasereka, entouré de son "état-major" hétéroclite, au milieu de postes de combats dissimulés dans la broussaille. "Nous essayons de patrouiller pour sécuriser la zone", explique ce cinquantenaire aimable, chemise rose boutonnée jusqu’au cou comme un fonctionnaire.

Les pillages dont ont été victimes les paysans dans toute la région? "Un pur Maï-Maï ne peut pas voler, ce sont les FARDC indisciplinées qui pillent", assure-t-il. Pour autant, la "collaboration est bonne" avec l’armée qui campe à quelques kilomètres plus au nord, au sommet des "escarpements".

"Nous ne mangeons qu’une fois par jour", se lamente le chef Maï-Maï, dont beaucoup de combattants, amulettes aux bras ou autour du cou, sont des adolescents. "Notre gouvernement ne nous aide pas", affirme-t-il en jurant que, pourtant, ses hommes "ne braconnent pas dans le parc".

Quant aux rebelles, "ils massacrent nos populations. Nous ne pouvons plus tolérer qu’on nous impose cette fichue +zone neutre+ dans notre propre pays".

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