Au Mali comme au Burkina Faso, l’homophobie comme marqueur de souveraineté
L’adoption récente, par le Conseil national de la transition du Mali, d’un nouveau projet de code pénal devrait conduire à la criminalisation de l’homosexualité. En attendant la promulgation par la junte, peu de détails ont été fournis.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 4 novembre 2024 Lecture : 2 minutes.
« Nous n’accepterons pas que nos coutumes et nos valeurs soient violées par des personnes venues d’ailleurs ». Manifestement, pour le ministre malien de la Justice et des Droits de l’homme, les désirs homosexuels ne sauraient en aucun cas poindre spontanément au Mali. C’est donc avec une satisfaction non dissimulée que Mamadou Kassogué a commenté les nouveaux projets de code pénal et de code de procédure pénal où figure la pénalisation de l’homosexualité.
Les textes ont été adoptés, ce 31 octobre, par l’organe législatif actuel – le Conseil national de Transition (CNT) –, « par un score soviétique » cohérent avec la législature issue des derniers putschs : 132 voix pour et 1 voix contre. Le garde des Sceaux malien est catégorique : « Toute personne s’adonnant à cette pratique, en faisant sa promotion ou son apologie, sera poursuivie ».
Un code pénal à confirmer
La criminalisation de l’homosexualité est intégrée dans des textes qui comportent d’autres nouveautés comme l’incrimination et la répression de la trahison, la répression de l’esclavage par ascendance ou encore l’usage du bracelet électronique pour réduire les incarcérations. Aux moments des annonces, la presse nationale n’avait pas eu accès au code pénal adopté et donc aux détails sur les peines encourues et la circonscription précise de l’infraction.
Une « pratique » homosexuelle privée, sans « promotion » ni « apologie » sera-t-elle également poursuivie, ce qui pourrait revenir à la définition de crimes sans victimes ? Les observateurs spécialisés restent prudents, dans leurs commentaires, expliquant que le Mali n’a pas encore dénoncé son appartenance à tous les traités et les pactes qui protègent les droits civiques, notamment le respect de l’identité et des préférences sexuelles.
Il faudra donc attendre la promulgation par la junte au pouvoir pour constater la réalité de la formulation de l’homosexualité en infraction autonome et la faisabilité des procédures judiciaires à son encontre. Dans tous les cas, alors que la tendance mondiale est à la dépénalisation des rapports sexuels entre personnes de même sexe, l’Afrique semble freiner des quatre fers, voire ramer à contre-courant.
Dans le même esprit de préservation d’us et coutumes sahéliens présumés exclusivement hétérosexuels, un autre pays membre de l’Alliance des États du Sahel (AES) avait ouvert le bal, en juillet dernier. Dans le cadre d’une révision de sa législation sur le mariage, la junte militaire du Burkina Faso avait annoncé l’interdiction des actes homosexuels comme le marqueur d’une souveraineté qui quitte les domaines économiques et sécuritaires pour rejoindre les sujets sociétaux.
Ailleurs sur le continent, le parlement ghanéen adoptait, en février, une peine d’emprisonnement pour toute personne qui s’identifierait comme LGBTQ+. L’Ouganda de Yoweri Museveni, lui, condamne toujours davantage la communauté homosexuelle, en brandissant désormais le risque de peine de mort pour « homosexualité aggravée ».
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