Désespérés, les Zimbabwéens fuient en masse vers l’Afrique du Sud

Vidés de toute énergie par le dur soleil de l’été austral, des centaines de Zimbabwéens attendent, assis sur des bouts de cartons dans la poussière du camp improvisé qui les accueille à Musina, du côté sud-africain de la frontière.

Publié le 29 décembre 2008 Lecture : 3 minutes.

"C’est trop dur là bas", soupire Fungai Lindlela, désignant au nord l’autre rive du fleuve Limpopo qui sépare les deux pays. "Il faut qu’on me donne l’asile" en Afrique du sud.

Et la jeune mère raconte comment, poussée par la faim, elle s’est enfuie du Zimbabwe avec son bébé de 14 mois attaché dans le dos.

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Tous partagent le même espoir: obtenir l’asile politique. Autour du bureau provisoire installé en juillet par le gouvernement sud-africain pour recueillir les demandes des milliers de Zimbabwéens qui passent la frontière chaque semaine, un camp s’est déployé au fil des jours.

Des vêtements sèchent au soleil, sur les barbelés qui entourent la zone. Ces réfugiés qui n’en ont pas le statut vivent et dorment à l’extérieur. Le soir, la fumée s’élève des feux où cuit la nourriture des plus chanceux, dans des boîtes de conserve noircies.

Il n’y a rien d’autre à faire que d’attendre. Depuis juillet, le bureau du gouvernement a enregistré plus de 28.000 demandes d’asile, indique un responsable sous couvert de l’anonymat.

"On ne peut même plus parler d’une crise politique" au Zimbabwe, dit-il en montrant la file de nouveaux arrivés. "C’est beaucoup plus que cela, c’est une crise humanitaire"

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Le Zimbabwe est plongé dans la paralysie politique depuis la défaite historique du régime du président Robert Mugabe aux élections législatives du 29 mars.

Un accord de partage du pouvoir, signé finalement mi-septembre, est resté lettre morte. Le président, réélu en juin lors d’un scrutin entaché de violences, continue de faire arrêter les opposants.

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Et le pays s’enfonce toujours davantage dans un marasme économique caractérisée par une hyperinflation inouïe, qui se chiffre selon les experts en milliers de milliards de pour cent.

Une famine à grande échelle menace. Faute de produits chimiques et d’entretien des installations d’assainissement, les eaux souillées propagent une épidémie de choléra qui a fait plus d’un millier de morts depuis août.

Dans la file d’attente, devant le bureau d’enregistrement de Musina, Belinda Dube a dû laisser au pays son fils de sept ans. Elle n’avait pas les moyens de payer pour lui les 50 rands (5 dollars US environ, 3,60 euros) exigés par les passeurs pour franchir la frontière et son fleuve infesté de crocodiles.

"Je n’ai pu prendre que cette enfant avec moi", constate la jeune femme de 32 ans, désignant sa fille d’un an, Mercy, qui joue sur le sol. "J’ai mis six mois à prendre la décision."

A la nuit tombante, une autre file d’attente s’est formée devant les enclos à bétail où les réfugiés pénètrent par petits groupes, pour y recevoir l’aide alimentaire fournie par une église locale et des donneurs internationaux.

Le repas, composé de bouillie de maïs épaisse et de soupe, est souvent le seul de la journée. Chacun se fait ensuite une place pour la nuit, à même le sol.

Les conditions sont terribles. Mais, au Zimbabwe, "nous ne vivons plus, nous nous contentons de survivre", remarque Blessing Ngumdu, qui a trouvé un endroit pour dormir, avec sa femme et leur fille de deux ans, à quelques mètres du bureau d’enregistrement.

Beaucoup parlent d’un nouveau déchaînement de violences, qui les a décidés à partir. Les soldats se comportaient "comme s’il y avait une guerre", frappant les gens dans la rue, raconte Kenneth Sibanda, venu de Chinhoyi, dans la banlieue de Harare.

"Je n’ai plus d’espoir pour mon pays", affirme le jeune homme. "Au Zimbabwe, si l’on parvient à survivre une journée de plus, on remercie Dieu. Mais il n’y a pas d’espoir pour le lendemain."

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