Le pays, dégoûté du système Conté, n’oppose pas de résistance au putsch

En moins d’une semaine, de jeunes militaires ont assis leur pouvoir en Guinée, sans faire couler le sang et sans rencontrer de résistance, une grande majorité de Guinéens semblant surtout pressée d’être débarrassée des acteurs du « système Conté » qui a prévalu pendant 24 ans.

Le capitaine Moussa Dadis Camara le 27 décembre 2008 au camp militaire Alpha Yaya Diallo, à Co

Le capitaine Moussa Dadis Camara le 27 décembre 2008 au camp militaire Alpha Yaya Diallo, à Co

Publié le 27 décembre 2008 Lecture : 2 minutes.

La dissolution du gouvernement a été annoncée mardi, quelques heures seulement après l’annonce du décès du président Lansana Conté, 74 ans, qui régnait en autocrate depuis 1984 mais se trouvait notoirement affaibli par la maladie depuis au moins cinq ans.

Au deuxième jour du coup d’Etat, la junte, baptisée Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), s’est choisie pour chef le capitaine Moussa Dadis Camara, "président" autoproclamé.

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"On a tellement souffert!" était l’une des phrases leitmotiv de la foule, souvent composée de jeunes, qui applaudissait mercredi le nouveau maître de Conakry.

Au troisième jour, tout le gouvernement renversé a fait allégeance au chef de la junte, le Premier ministre lui donnant même du "Monsieur le Président". Et au quatrième, quasiment tous les partis et syndicats de l’opposition avaient déjà "pris acte" du putsch.

"Il n’y a pas eu de résistance en raison de la crise de légitimité des institutions et de la misère", estime Cellou Dalein, leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), déjà disposé à travailler avec le nouveau pouvoir militaire "pour déboucher sur une transition apaisée et démocratique".

"En 1995, seulement 40% de la population vivait avec moins d’un dollar par jour, aujourd’hui, c’est 55%. . . Face à la mal gouvernance et à la corruption, les gens avaient déjà exprimé leur ras-le-bol en 2006 et 2007", lors de manifestations violemment réprimées, rappelle-t-il.

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"Bien entendu, il faut toujours se méfier", ajoute-t-il. Mais il rappelle que le chef de la junte "a demandé samedi aux partis de proposer eux-mêmes une date pour l’organisation des législatives". "J’apprécie cette ouverture".

Exit donc le président de l’Assemblée nationale, Aboubacar Somparé, qui aurait dû assurer l’interim à la tête de l’Etat durant 60 jours. Nombreux étaient ceux qui ne voulaient pas voir ce membre du "clan Conté" diriger le pays.

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Quand la communauté internationale condamne le coup d’Etat, l’opposant Alpha Condé fait valoir qu’"une solution constitutionnelle était impossible, puisque Lansana Conté lui-même n’avait jamais respecté la Constitution" et pratiquait "une sorte de coup d’Etat permanent".

"Nous sommes tous intervenus à des degrés divers pour demander qu’on ne mette pas trop de pressions sur le CNDD (la junte)", confirme à l’AFP l’ancien Premier ministre (1996-1999) Sidya Touré.

Le texte qu’il a signé avec Alpha Condé demande la mise en place d’un gouvernement sans aucune des personnes "mêlées de près ou de loin aux malversations des deniers publics, à la corruption et aux clans mafieux" du régime précédent et des élections (législatives et présidentielle) avant décembre 2009.

Interrogé samedi aussitôt après le premier discours public du chef de la junte, promettant notamment de "châtier" tous les coupables de détournements de fonds, la syndicaliste Rabiatou Serah Diallo, grande figure de la résistance au précédent régime, a jugé qu’il avait "bien parlé".

En revanche, l’opposant Ba Mamadou – qui avait écrit dès 2004 une lettre ouverte au président Conté, l’accusant d’"être la cause principale des malheurs du pays" – n’a pas applaudi au coup de force.

Il a dit sur RFI redouter que les leaders politiques qui collaborent avec les putschistes ne se fassent "avoir", les militaires risquant bien de "vouloir conserver le pouvoir pour eux-mêmes".

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