Tunisie : Carthage Cement démarre sa production
La production de clinker a démarré le 1er octobre. Une bonne nouvelle pour les actionnaires de Carthage Cement… et pour ses créanciers.
Plusieurs fois annoncé au bord de la cessation de paiements avant même d’avoir commencé son activité, Carthage Cement a débuté sa production de clinker (constituant du ciment) le 1er octobre. Les dirigeants n’attendent plus que la certification de conformité délivrée par les autorités pour démarrer la commercialisation du ciment, théoriquement début novembre. L’entreprise pourrait, entre-temps, vendre le clinker afin de limiter le manque à gagner (près d’un demi-million d’euros par jour). Une fois à plein régime (théoriquement en 2014), la cimenterie de Djebel Ressas, au sud-est de Tunis, sera la plus importante du pays. Sa capacité est estimée à 2,2 millions de tonnes par an, pour un chiffre d’affaires d’environ 320 millions de dinars (145 millions d’euros), dont un tiers provenant de la vente d’agrégat et de béton.
Une faillite aurait menacé la survie d’au moins quatre grandes banques qui ont financé le projet.
Du côté des pouvoirs publics, la nouvelle est accueillie avec un certain soulagement. Actionnaire (directement et indirectement) à hauteur de 41 % après la confiscation des parts de Belhassen Trabelsi, beau-frère de l’ex-président Ben Ali, l’État a dû participer à une augmentation de capital de 80 millions de dinars au premier semestre pour permettre d’achever le projet. Il s’est aussi engagé à construire en 2014 la voie ferrée qui doit acheminer le coke de pétrole vers l’usine – une rallonge de 10 millions de dinars. En contrepartie, il peut espérer vendre ses actions d’ici à un ou deux ans avec une belle plus-value. Cette cession, envisagée en 2012, avait dû être reportée en raison de la mauvaise situation financière de l’entreprise.
Au total, la construction de l’usine, confiée au danois FLSmidth, qui assurera aussi l’exploitation pendant cinq ans, a coûté près de 800 millions de dinars, dont 470 millions empruntés auprès des banques. « Un crash de Carthage Cement aurait menacé la
survie d’au moins quatre grandes banques, dont la Banque de Tunisie, qui a prêté 105 millions de dinars, un montant proche de celui de son capital. Cela aurait aussi déstabilisé la Bourse de Tunis, car c’est l’une des valeurs phares de la cote », souligne une source proche du dossier.
Énergie
Riadh Ben Khalifa, directeur général de Carthage Cement, reconnaît avoir évité le pire, mais insiste sur le potentiel de son usine. « D’ici à deux ans et demi, nous aurons
remboursé nos créanciers », plaide-t-il en s’appuyant sur un objectif de marge bien supérieur à ceux de la concurrence : « La technologie de l’usine nous permet de réaliser des économies d’énergie d’environ 15 %. » Un créneau sur lequel l’entreprise entend conforter son avance. Dans un an, son patron espère utiliser des déchets pour produire une partie de l’énergie dont elle a besoin.
Reste que le marché tunisien du ciment – dont les prix sont fixés par l’État – risque de souffrir de surproduction dans les années à venir. Alors que la consommation intérieure, d’environ 7,5 millions de tonnes par an, devrait peu évoluer, la capacité du secteur sera de quelque 11 millions de tonnes après l’entrée en service de Carthage Cement et l’extension des Cimenteries de Bizerte et de la Société des ciments d’Oum El Kélil (Ciok).
« Effectivement, la production sera excédentaire, admet Riadh Ben Khalifa. Mais le ministre de l’Industrie nous a assuré vouloir libéraliser le marché et autoriser les exportations [bloquées tant que la demande intérieure n’est pas satisfaite] dès que le gouvernement aura cessé de subventionner l’électricité » : une contrepartie pour l’arrêt de ces subventions dans un secteur très consommateur d’énergie. La promesse est à accueillir avec une certaine prudence, vu la situation sociale et politique explosive, nuance Kais Kriaa, du cabinet AlphaMena. L’analyste estime toutefois qu’à moyen terme le projet reste attrayant.
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